D’Alessandro Baricco. Mise en scène de Michel Kacenelenbogen. Avec Pietro Pizzuti. Du 16 mai au 18 juin 2023 au Théâtre Le Public.
Quelque part en plein milieu de l’Atlantique, des airs de jazz résonnent, Danny Boodmann T.D. Lemon Novecento est pianiste au bord du SS Virginian. Né et élevé sur le bateau, en trente ans, il n’a jamais mis un pied sur la terre ferme. Son histoire est inconnue de tous et qui de mieux qu’un ami pour conter sa légende.
Tim Tooney était trompétiste au sein du band de cet énorme paquebot aux allures du Titanic. Dans un monologue touchant, il raconte l’histoire de son amitié avec un être singulier. Car avant d’être son comparse, Novecento est avant tout un virtuose. Abandonné bébé sur la proue du bateau, il fut pris en charge et élevé par l’équipage. Ce navire, dépeint comme une extension de lui-même, causera sa perte. Laissant au fond des âmes de ceux qui l’ont croisé, le sentiment étrange d’avoir assister au passage d’une comète.
Place à l’Artiste
Novecento est un seul en scène et c’est le talentueux Pietro Pizzutti qui tient à lui seul la scène au théâtre « Le Public ». Charismatique et habité, il fera résonner ce texte avec beaucoup de justesse et d’émotions. Il réussit l’immense exploit de nous captiver malgré l’espace de jeu exigu qui est le sien. En effet, le plateau est occupé par une immense passerelle représentant celle que Novecento n’a jamais su franchir. Le comédien se tiendra durant tout le spectacle sur cette pente, faisant des allers-retours perpétuels dans un équilibre sans cesse mis à mal. Nul doute qu’il s’agissait ici de nous immerger dans le sentiment de blocage et de stagnation représenté par le personnage principal. Novecento n’ayant jamais réussi à quitter son bateau, il a passé toute sa vie sur l’océan, faisant inlassablement le même aller-retour sur l’Atlantique.
Toutefois, et même si ces éléments de mise en scène et de scénographie sont probablement un choix assumé, nous aurions aimé voir Pietro Pizzuti libéré de ces contraintes de plateau pour évoluer librement sur scène. Nous avions pu cette année admirer l’amplitude de son jeu dans Ivanov. Et l’idée nous a traversé l’esprit, d’un certain océan et d’une musique qu’il aurait pu nous « montrer » s’il avait eu un terrain de jeu différent.
L’essence d’un témoignage
A la qualité de son interprète est venu se greffer la poésie du texte écrit par Alessandro Baricco. L’histoire d’un amour quasi fraternel entre deux hommes que tout séparait à l’origine. Le récit de rencontres qui changent à jamais une vie et des pas qu’on est incapable de franchir. Mais un conte qui nous rappelle que le bonheur se conjugue au présent, que les rêves de conquêtes ou d’ailleurs nous font parfois passer à côté de l’essentiel : apprendre à être heureux avec ce qu’on est.
Nous vous recommandons chaleureusement d’aller à la rencontre de son comédien dont le talent et le charisme vaut déjà à lui seul le déplacement. Mais aussi, vous invitez à écouter ce récit qui a déjà inspiré le 7ème Art et de nombreuses troupes de théâtre.
Novecento est la légende d’un voyage, voilé d’une aura du début du siècle, de l’odeur de la mer et du jazz qui attend votre embarcation jusqu’au 18 juin.
