Momo, vaudeville surréaliste

Momo

de Sébastien Thiery et Vincent Lobelle

Comédie

Avec Christian Clavier, Catherine Frot, Sébastien Thierry, Pacale Arbillot

Sorti le 27 décembre 2017

Connu pour ses pièces de théâtre au ton décalé, à mi-chemin entre le vaudeville et la fantaisie surréaliste, Sébastien Thiery était destiné à devoir un jour adapter au cinéma l’un de ses succès théâtraux. C’est donc chose faite avec ce Momo, tiré d’une de ses pièces les plus récentes. Tyrannie du « bankable » oblige, les deux têtes d’affiches théâtrales (François Berléand et Muriel Robin) se voient destituées et remplacées par deux acteurs mieux à même de satisfaire les investisseurs et autres chaînes de télévision pour lesquelles le cinéma n’est qu’une succursale de leurs futurs téléfilms de prime-time. Ce sont donc Christian Clavier et Catherine Frot qui reprennent les deux rôles principaux de Momo, tandis que Sébastien Thiery interprète celui qu’il tenait déjà au théâtre.

Comme souvent chez Thiery, la prémisse est intrigante : de retour des courses, les Prioux, un couple marié de longue date, découvre chez lui un homme adulte, sourd, qui dit être leur fils. Comme ni l’un ni l’autre ne semble se souvenir être parent, la femme commence à soupçonner son mari d’avoir eu un enfant illégitime et à mener son enquête. Mais, tandis que le « fils » prodigue s’immisce de plus en plus dans leur petit quotidien bien huilé, mari et femme réagissent très différemment à cette arrivée, qui réveille l’instinct maternel de l’une et agace l’autre au plus haut point.

Étant donné que les récents films de Christian Clavier (Babysitting 2, Les Visiteurs 3, À bras ouverts, etc.) ne sont pas restés en mémoire pour leur subtilité, et que le jeu très appuyé de Catherine Frot – du moins dans le registre de la comédie – n’est pas forcément engageant, leur rencontre sur écran n’était pas forcément le projet le plus excitant qui soit, mais leur collaboration avec Sébastien Thiery et son univers « décalé » pouvait néanmoins intriguer, à défaut d’emballer. Force est de constater que cette tentative de comédie bourgeoise pervertie par l’étrangeté est plutôt une agréable surprise.

Sans réellement dériver des normes esthétiques de la comédie française actuelle, Momo étonne quelque peu de par son scénario et les chemins qu’il emprunte. Ce n’est pas tant le développement dramaturgique et l’évolution des personnages qui sont inédits, mais plutôt ce qui les déclenche et la manière dont les deux personnages principaux réagissent à un événement qui n’est à priori pas cartésien. Au lieu de contester les dires de cet homme qui les appelle papa et « momo », les Prioux se remettent eux-mêmes, et leurs propres souvenirs, en question.

En résulte un film assez curieux, qui utilise les codes – et les acteurs – de la comédie française « mainstream » pour les subvertir et les emmener sur d’autres terrains. Malheureusement, la résolution de l’intrigue et le final reviennent sur des chemins balisés, avec une explication rationnelle et une apologie du modèle familial traditionnel – bien que légèrement biaisé – qui remettent le film sur les rails de la normalité et de la banalité. Mais, une heure durant, Momo aura tout de même réussi à tenir assez bien son pari de vaudeville surréaliste.