« Spider-Man : Across The Spider-Verse », chef-d’œuvre néolibérart

Spider-Man : Across The Spider-Verse
de Joaquim Dos Santos, Kemp Powers et Justin Thompson
Animation, Action, Fantastique, Aventure
Sortie le 31 mai 2023

Si le premier opus de ce qui devrait être la trilogie du Spider-Verse s’était terminé dans une effusion de couleurs faisant encore frémir les plus épileptiques d’entre nous, la suite des aventures de Miles Morales n’attend pas dix minutes pour étaler toute sa palette de couleurs. Et pour cause. 

Et pour cause, si l’on parle ici des aventures de Miles Morales c’est parce qu’il est le héros de la saga, celui qui jouit, dans cette suite encore, de la plus grande présence à l’écran. Cependant, de manière assez surprenante, il n’est pas la clef de voûte du récit, il n’est pas le protagoniste du film au sens où il ne mène pas l’intrigue, n’est pas le personnage rencontrant le plus de conflits, subissant ainsi les affres de la narration plutôt que d’en être le moteur, il n’est ni le début ni la fin ni même l’élément déclencheur d’un film qui le catapulte pourtant au premier plan de ses affiches. Ce rôle, il appartient à Gwen Stacy alias Spider-Gwen, acolyte du néo-Spider-Man du premier chapitre sorti en 2018.

Ainsi, Gwen Stacy ouvre le film en se voyant remettre une « montre » lui permettant de voyager across the Spider-Verse la liant, de fait, à tous les autres Spider-Men et Spider-Women de toutes les autres dimensions. Tous ? Non, notre cher Miles Morales, lui, n’a pas la chance de faire partie des élus. C’est entre autre ce qui explique que le jeune homme suive secrètement Gwen « passé lui faire un coucou » dans les couloirs des dimensions rencontrant le chef de cette Spider-organisation, l’ambigu Miguel O’Hara, prêt à tout pour préserver l’équilibre des mondes face à la Nemesis de Miles, la Tâche.

Et c’est bien cette traversée des dimensions qui explique cette effervescence colorimétrique dès les premiers instants du film. L’univers de Gwen Stacy se pare d’une esthétique d’aquarelle, là où celle de Miles Morales arbore un design purement comics. Ainsi, au gré de leurs pérégrinations les amenant d’une dimension à l’autre, les héros découvrent et nous font découvrir de nouveaux mondes, de nouvelles couleurs, de nouvelles esthétiques. De par ses codes et ses références, le film est un objet hybride mêlant l’intellect des Beaux-Arts à la notoriété de la Pop Culture, Spider-Man : Across The Spider-Verse c’est la rencontre de la connaissance et du cool sans qu’aucune hiérarchie ne soit mise entre les deux notions.

Mais si dans sa forme (narration, dialogues, esthétique), le film frôle la perfection, son fond, de par son genre, laisse dubitatif. Car Spider-Man : Across The Spider-Verse reste un film de super-héros américain. Ainsi, il prône la figure du sauveur, de l’élu à qui il incombe de sauver la société des individus responsables de tous ses maux. Et bien que le film joue sur les statuts de ses personnages en tentant d’effacer tout manichéisme, il oppose irrémédiablement l’absolument bon à l’absolument mauvais, les personnages ne faisant que passer de l’un à l’autre. Qui plus est, le mélange de compétences intellectuelles et sociales dirigé par la bienveillance avec laquelle le récit traite les personnages qui en font preuve renvoie à une vision très américaine de la réussite. À l’image d’Entergalactic (2022) sorti l’année passée, ce nouvel opus de Spider-Man fait miroiter l’illusoire méritocratie propagée par le mensonger « quand on veut, on peut ». Ce discours est appuyé par ce « cool » qui met sur un piédestal des marques dont les pratiques font passer les méchants du film pour des enfants de chœur. Ainsi, la sincérité de ce même discours en est très altérée et sa bienveillance apparait comme à deux vitesses.

En somme, Spider-Man : Across The Spider-Verse, c’est un discours toxique au sein d’un écrin de beauté, un objet audacieux et intelligemment écrit, digne successeur d’un film qui détonnait déjà par son originalité au sein du MCU.