Le procès du siècle, Lipstadt contre Irving

Le procès du siècle

de Mick Jackson

Biopic, Historique, Drame

Avec Rachel Weisz, Tom Wilkinson, Timothy Spall

Sorti le 26 avril 2017

Parmi les nombreux genres cinématographiques existants, il en est un qui a donné lieu à plusieurs chefs d’œuvres intemporels : le Trial Movie. Les Trial Movies sont une catégorie à part du cinéma auquel plusieurs grands réalisateurs se sont frottés avec plus ou moins de succès. Parmi ceux-ci, Sidney Lumet est un de ceux qui semble s’être le plus souvent essayé à recréer l’atmosphère d’une cour de justice, notamment pour ses films « Le verdict » (1982), « Dans l’ombre de Manhattan » (1997) ou le somptueux « Douze hommes en colère » (1957). Mais d’autres maîtres du Septième Art ont également risqué une incursion dans le monde des tribunaux, donnant souvent naissance à des chefs d’œuvres intemporels tels « Les sentiers de la gloire » (Stanley Kubrick, 1957), « Ouragan sur le Caine » (Edward Dmytryk, 1954), « Anatomie d’un meurtre » (Otto Preminger, 1959), « Le faux coupable » (Alfred Hitchcock, 1956) ou le bouleversant « Du silence et des ombres » (Robert Mulligan, 1962).

C’est à ce genre que s’est essayé le réalisateur Mick Jackson avec Denial (Le procès du siècle en français), en adaptant à l’écran le livre de l’historienne américaine Deborah Lipstadt « History on Trial : My Day in Court with a Holocaust Denier » retraçant le récit du procès opposant cette dernière au négationniste britannique David Irving.

En 1994, Deborah Lipstadt publiait une somme historique intitulée « Denying the Holocaust : The Growing Assault on Truth and Memory » dans laquelle elle revenait sur les déclarations de David Irving concernant les camps de concentration. Mentionnant divers écrits du britannique, Deborah Lipstadt accusa celui-ci de tronquer la réalité des sources historiques et de chercher à perpétuer l’héritage d’Adolf Hitler (« Irving seems to conceive himself as carrying on Hitler’s legacy »). S’estimant injurié par un passage apparaissant en page 180 du livre de l’historienne, Irving introduit une plainte pour diffamation à l’encontre de son éditeur, donnant ainsi lieu à un procès d’un retentissement capital qui s’ouvrit à l’aube du XXIe siècle.

D’entrée de jeu, les personnages sont établis dans leurs rôles : Deborah Lipstadt (Rachel Weisz) est une idéaliste passionnée, professeure d’Université, David Irving (Timothy Spall) un historien auto-proclamé, suintant l’arrogance et prêt à mordre à la première occasion. L’opposition entre les personnages est ainsi rapidement présentée dans une des premières séquences du film dans laquelle l’historienne est interrompue au cours d’une conférence par un David Irving hargneux cherchant à lui faire perdre ses moyens pour parvenir à la décrédibiliser. Si l’on pourrait considérer cette polarisation comme un ressort scénaristique servant à installer l’intrigue, une brève recherche aura tôt fait de montrer à quel point elle ne semble finalement pas si éloignée de la réalité. Les quelques vidéos disponibles en ligne concernant David Irving semblent témoigner de ce caractère particulier.

Ainsi, une des qualités principales du film semble être la façon dont les personnages sont présentés. Exception faite de certains détails installés afin de dynamiser le récit, les interprétations de Timothy Spall et Rachel Weisz semblent assez fidèles aux vrais Irving et Lipstadt. Le premier tient parfaitement son rôle et campe un personnage arrogant, énervant dès sa première apparition à l’écran voire – on peut ici trouver une légère tendance à la caricature – parfois répugnant. Quant à Rachel Weisz, elle personnifie une Deborah Lipstadt forte et déterminée – jusqu’à parfois en devenir agaçante. Mais le personnage qui contribue le plus à la dynamique du film est l’avocat Richard Rampton, campé par l’excellent Tom Wilkinson qui tient ici l’un de ses plus beaux rôles.

Le procès du siècle n’est bien entendu pas un film que l’on regarde pour son dénouement, dans la mesure où celui-ci fait partie de l’histoire et où on le connaît (ou, du moins, on le devine). Le principe est un peu le même que pour « Snowden » d’Oliver Stone, sorti en novembre 2016 : ce n’est pas la conclusion qui importe ici mais la façon dont l’enquête va avancer et dont les personnages parviendront à se sortir d’affaire. Le plus difficile dans ce cas-ci n’étant pas de prouver si David Irving était un négationniste ou non, mais plutôt de parvenir à montrer que ses interprétations tronquées de la réalité historique étaient délibérées.

Si le film de Mick Jackson n’a pas à rougir de son existence, il ne parvient cependant pas à se hisser aux côtés des monuments du Trial Movie. Mais il possède néanmoins un message important : la nécessité de ne pas banaliser les discours négationnistes. Une victoire de David Irving aurait ouvert la brèche à toutes sortes de dérives allant à l’encontre des réalités historiques concernant l’Holocauste. Ainsi, il est important de pérenniser le verdict de cette bataille juridique par le biais du cinéma. Le procès du siècle contribue ainsi à sa manière à notre devoir de mémoire envers ce pan tragique de l’histoire de l’humanité.