Mimi’s Shebeen revisite l’héritage artistique de Miriam Makeba

© Danny Willems

D’Alesandra Seutin, du 23 mars au 1er avril au KVS.

Le rideau se lève sur une mama africaine, perchée en hauteur, vêtue d’une longue robe dont les plis semblent occuper toute la scène. Le son de sa voix emplit la salle lorsque le drapé de sa robe commence à s’agiter. Des corps sortent de dessous le tissu en rampant. Huit corps se dressent tandis que la chanteuse descend de son piédestal et s’allonge au sol. Les danseurs se regroupent autour de la chanteuse puis la relèvent au son d’un chant africain.

Pendant qu’un couple danse, de grandes bandes de papier qui étaient couchées au sol s’élèvent dans les airs. Un coup de sifflet retentit et tous les danseurs se mettent en mouvement dans une chorégraphie endiablée rythmée par les percussions de Angelo Moustapha et Zouratié Koné, tapis côté cour sur la scène.

Un homme s’avance et commence à chanter. A l’arrière un chœur se forme pour lui répondre, l’appuyer. Un nouveau coup de sifflet donne le signal de départ d’une autre chorégraphie. Sur scène, se déploient différents rythmes, différentes amplitudes de mouvements, mais l’harmonie règne et régnera tout au long du spectacle, dans une énergie communicative.

Dans Mimi’s Shebeen, la chorégraphe Alesandra Seutin et sa compagnie, Vocab Dance, explorent l’héritage musical de Miriam Makeba. La chanteuse sud-africaine surnommée Mama Africa était une militante pour les droits civiques et ardente combattante de l’apartheid qui lui a valu d’être contrainte à l’exil de la terre de ses ancêtres.

Née en 1932, Miriam Makeba a passé les premiers mois de sa vie en prison, avec sa mère arrêtée pour avoir illégalement vendu de l’umqombothi (bière de maïs) dans un shebeen, lieu de rassemblement et d’échange clandestin des Noirs militants tenu principalement par des femmes. Au décès de sa mère, en 1960, le gouvernement sud-africain lui interdit de revenir au pays pour assister à ses funérailles. Ce n’est que trente ans plus tard, sur l’insistance de Nelson Mandela, qu’elle reverra l’Afrique du Sud.

Le shebeen fait ici office de cadre à un rituel de retrouvailles où sont convoqués, pêle-mêle, les ancêtres, les femmes révoltées, les Noirs exploités dans les mines d’or, les exilés de tout pays, le chanteur congolais Jacques Loubelo, les habitants des townships, les 69 victimes du massacre de Sharpeville (21/03/1960). Dans une scénographie allant de l’abondance au dépouillement, la voix puissante de Tutu Puoane, qui a elle-même grandi dans les townships de Pretoria, porte la plupart des chansons. Les chorégraphies, toujours sur la frontière entre danse tribale et danse contemporaine, sont enrichies des chants traditionnels ou modernes, de témoignages sonores et de poésie.