L’ombre de Saint-Saëns au théâtre Jean Vilar

© Leslie Artamonow

Ecrit par Sylvain Coher et mis en scène par Sybille Wilson, avec Philippe Beau, Thierry Hellin, et l’Ensemble Kheops : Muhiddin Dürrüoglu (piano), Marie Hallynck (violoncelle), Tatiana Samouil (violon). Le 10 octobre 2021 à l’Atelier Théâtre Jean Vilar.

Camille Saint-Saëns, compositeur prodigue, mort en 1921, s’incarne sur scène le temps d’une soirée pour nous livrer ses pensées les plus intimes.

Nous sommes au purgatoire, au du moins, ce qui ressemblerait au purgatoire pour Camille Saint-Saëns. Décédé depuis un siècle il s’interroge sur ce qu’est devenu son œuvre, sa postérité, son héritage au monde. Sa musique oui, mais qu’en reste-t-il ? Lui qui a composé des centaines d’œuvres voilà qu’on le réduit à son carnaval des animaux. Est-ce bien tout ce qu’il reste de lui ?

C’est une proposition originale que nous fait le théâtre Jean Vilar. La mise en scène est signée Sybille Wilson et le texte Sylvain Coher. A l’art scénique se greffe l’ensemble Khéops constitué d’une violoniste (Tatiana Samouil), une violoncelliste (Marie Hallynck) et un pianiste (Muhiddin Dürrüoglu). C’est au son de l’œuvre musicale du compositeur que le comédien Thierry Hellin incarne Camille Saint-Saëns, il est accompagné de Philippe Beau, magicien et ombromane, qui nous gratifie de toute l’étendue de son talent.

La scénographie est enchanteresse, un peuple d’ombres d’animaux prenne forme sur de large cadres blancs qui sont situés aux deux extrémités de la scène. La musique est douce à l’ouïe et les yeux sont captivés par les effets visuels qui s’enchaînent en cascade, devenant de plus en plus hypnotiques. Le verbe est celui de l’époque. La fracture entre les époques est accentuée, celles de Camille qui n’est plus qu’un souvenir et la nôtre, où tout va plus vite et où l’on ne s’attache à rien.

Dans la salle, se dégage le sentiment de vivre une parenthèse, quelque peu évanescente, comme un songe. N’était-ce d’ailleurs pas un rêve pour Camille Saint-Saëns ? Était-il revenu sur terre pour constater son état de disgrâce ? Ou n’est-ce pas le cauchemar de tout créateur. Vivre avec fracas et ne pas perdurer dans le temps. Il n’a pas rejoint le panthéon des Mozart, des Beethoven, des Chopin. Qui aurait pu le prédire ? Et qui peut être sure que son œuvre arrivera à traverser les siècles avec la même lumière ? C’est sur ces interrogations que Camille Saint-Saëns bascule dans l’obscurité en nous ayant permis l’espace de quelques instants de revivre une époque aujourd’hui évanouie.