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    Jeunes mères, dans les yeux de ma mère

    Jessica, Perla, Julie, Naïma et Ariane. Ce sont les noms de ces cinq femmes qui courent après leur mère, leur copain ou un appartement à louer aux alentours de Liège. Ce sont les héroïnes du nouveau film des frères Dardenne, encore une fois en compétition à Cannes cette année 2025. Ce sont cinq femmes (Naïma tenant toutefois un plus petit rôle) qui doivent faire des choix importants, peut-être trop importants pour leur jeune âge : elles sont déjà mères et doivent décider ou non de garder leur enfant.

    La caméra, comme à l’habituée chez les frères, colle les corps, les visages, les mains accrochés au téléphone. Ce téléphone, aussi imposant et neuf que la précarité de leur propriétaire est grande, est ici vu comme un lien social, annonciateur de nouvelles tant positives que négatives aux conséquences imprévisibles. Alors elles courent, ces femmes, accrochées à leurs mobiles, et accessoirement à leurs bébés.

    Le casting a toujours été une des grandes forces chez les Liégeois. Derrière l’idée de mettre en scène une tripotée de bébés mignons (de vrais bébés, ce qui change du cinéma américain à la Clint Eastwood) qui s’emparent de notre regard en ne faisant pas grand-chose (mettez un chien ou un enfant sur scène et… on connaît la suite de l’adage), le film tient grâce à cette bande d’actrices qui y transfusent de leur rage, de leurs yeux tristes, de leurs espoirs déçus pour faire tenir leurs personnages.

    Jeunes mères décrit un univers social liégeois pauvre, une classe sociale à priori populaire, une des cinq héroïnes étant même une survivante de la rue et de la drogue. Or, par moments, la description de cette classe sociale du bas est mise à mal par le langage employé, soit trop poétique ou littéraire, mis dans la bouche de ces comédiennes. Et même si nous savons bien que nous n’avons pas en face de nous un documentaire, une légère rupture se crée par moments. Les marques sociales sont trop fortes, ou ne le sont pas assez, physiquement, ou dans le caractère. Christelle Cornil et surtout India Hair imposent peut-être, même inconsciemment, leur manière d’être d’actrices, et leurs personnages en pâtissent un peu.

    Jeunes mères file à une allure telle qu’on ne voit pas le temps passé, aidé par un fil narratif assez limpide et par cette recherche à la fois commune et spécifique qui réunit ces quatre héroïnes. Le récit va peut-être même trop vite, multipliant les protagonistes et les scènes dramatiques, les pleurs et les drames plutôt que s’attardant sur les rencontres posées, contrairement à ce que l’affiche officielle pourrait laisser penser. On aurait aimé les voir apaisées, ou entre deux courses échanger un moment de leur humanité entre elles, un peu d’intimité aussi. Mais non, elles courent ces femmes, tant et si vite qu’elles nous échappent parfois.

    Pourtant, les frères Dardenne réussissent de nouveau assez brillamment à apporter une fin lumineuse, une sorte de célébration musicale finale touchante qui clôt les destinées de ces jeunes femmes, sans nier l’aridité du début du récit ou les difficultés qui les attendent encore. Le film, ne s’attachant à aucune théorie ou questionnement sur la maternité hors lien biologique, impose sa dynamique, ces filles dépourvues de moyen, soutenues par des assistantes sociales, et qui luttent et se retrouvent, à 15 ans parfois, à devoir gérer un tout petit. C’est la détermination dans leur regard qui laisse une trace, dans les derniers plans, quand elles se permettent enfin de rire, de respirer, de vivre.

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    Jeunes mèresRéalisateurs : Jean-Pierre et Luc DardenneGenre : DrameActeurs et actrices : Babette Verbeek, Elsa Houben, Janaïna Halloy FokanNationalité : Belgique, FranceDate de sortie : 4 juin 2025 Jessica, Perla, Julie, Naïma et Ariane. Ce sont les noms de ces cinq femmes qui courent après...Jeunes mères, dans les yeux de ma mère