
Boots
Créateurs : Andy Parker et Norman Lear
Genre : Comédie, Drame
Acteurs et actrices : Miles Heizer, Liam Oh, Vera Farmiga
Nationalité : USA
Date de sortie : 9 octobre 2025
Et si on mélangeait Full Metal Jacket, Koh-Lanta et Orange Is the New Black ? C’est le sentiment que laisse Boots, une série sur l’appartenance et les masculinités au sein de l’armée Etats-Unienne en 1990. Ni pamphlet antimilitariste ni manifeste queer assumé, la série tente une subversion timide.
Adaptée des mémoires The Pink Marine de Greg Cope White — scénariste également sur la série —, Boots s’ouvre sur une scène de harcèlement malheureusement trop familière pour les personnes queer. Cameron « Cam » Cope est un jeune homme gay de 18 ans dans un lycée perdu d’une petite ville puritaine, entouré de harceleurs, d’une mère démissionnaire et de son meilleur ami hétéro, Ray. Cam veut que sa vie change. Il ne veut plus être une victime. Quand Ray lui propose de devenir Marine et de suivre l’entraînement intensif de treize semaines censé faire de lui un homme, un vrai, Cam hésite à peine. Mais en 1990, il est illégal d’être homosexuel au sein de l’armée Etats-Unienne.
Bien que Full Metal Jacket soit cité dès le premier épisode, Boots est loin d’être un pamphlet antimilitariste frontal. Le sujet s’y prête pourtant, mais la série ne saisit jamais pleinement l’occasion d’être incisive ou provocatrice. Même lorsqu’elle se veut tragique elle expédie un peu vite la gravité au profit d’une quête de guérison. Quelques symboles tentent de baliser les traumatismes, mais ils sont souvent réduits à de simples outils narratifs (comme le sempiternel trope du bourreau dont le trauma justifie les actes). Au vu des jolis plans dans les nombreuses scènes de douche, on aurait aimé un regard queer plus affirmé, plus insolent, pour contrebalancer l’horreur des discriminations subies par les personnages — et par Greg Cope White lui-même.
Trop tiède pour être contestataire ou camp*, la série offre tout de même des pistes de réflexion réjouissantes sur la masculinité idéale et les manières de la contourner. La plupart des personnages sont des garçons perdus, exclus de la société, en quête d’un but, d’une reconnaissance, et surtout d’appartenance. On le répète d’ailleurs régulièrement au cours des huit épisodes : « Once a Marine, always a Marine », devise d’une famille qu’on ne peut plus quitter.
Les portraits approfondis de certains personnages secondaires aident à s’attacher à eux et à souhaiter, malgré toutes les horreurs qu’ils subissent (If you don’t cry at Boot Camp, you ain’t doing it right), que oui, ils deviennent enfin des hommes, des vrais. Depuis son canapé, on peut même trouver le plaisir simple de parier sur celui qui sera “l’homme d’honneur”, ou celui qui provoquera les combats de nourriture (après tout, ce sont des adolescents comme les autres).
La liesse et le karaoké finaux auraient pu faire de Boots une série divertissante et bien-pensante, qui effleure ses nombreuses thématiques sans jamais les creuser. Mais les deux dernières minutes prouvent que la série a du cœur, et rétablissent la gravité nécessaire : celle d’un monde où de jeunes gens, en quête de place dans une société qui les rejette, se transforment effectivement en machines à tuer ou en chair à canon.
Au terme de son parcours initiatique, Boots rappelle qu’on ne naît pas soldat : on le devient, souvent malgré soi. Et si l’armée enseigne à ses jeunes recrues à rester « Semper Fi », toujours fidèles, la série interroge — doucement mais sûrement — à quoi cette fidélité condamne.
*L’esthétique camp joue sur l’exagération, le grotesque, la provocation et l’ironie et émerge comme une forme de sensibilité importante dans la culture des années 1960. Le style camp est aussi décrit comme un regard propre à la sous-culture gay masculine, et queer en général.
