« Bluebird », ou une plongée dans les bas-fonds du bayou

Titre : Bluebird, Bluebird
Autrice : Attica Locke
Editions : Folio
Date de parution : 14 avril 2022
Genre : Policier

Bluebird, Bluebird c’est l’histoire de Darren Mathews, homme noir vivant au Texas, Ranger de métier, qui se retrouve face à un dilemme : faire son travail de représentant de la loi et rester “à sa place”, ou creuser toujours plus profondément au point de sortir de ses fonctions pour démontrer que le terme “crime de haine” n’est pas anodin dans certaines enquêtes.

Darren a pris part à un conflit entre un vieil ami noir et un homme blanc extrêmement raciste, Ronnie Malvo, alors qu’il n’était pas en service. Suite à cela, Malvo est retrouvé mort et le témoignage de Mathews, présent lors du conflit, est mis à rude épreuve. Il se retrouve suspendu de ses fonctions et c’est précisément à ce moment-là que son ami Greg Heglund, travaillant au FBI, lui met sous le nez une affaire portant sur deux homicides, localisée à Lark. Ceux-ci touchent particulièrement Darren car il a à cœur les enquêtes concernant les meurtres de personnes noires. C’est l’occasion pour lui de se lancer officieusement sur la piste de ses deux meurtres et de partir pour Lark, au bord du bayou Attoyac. L’occasion également pour lui de fuir les problèmes de couple qu’il a depuis plusieurs mois avec sa femme qui a – à juste titre – de plus en plus peur pour sa vie.

Dès le titre, le décor est posé avec l’évocation du morceau Bluebird créé en 1952 par John Lee Hooker, chanteur et guitariste de blues américain. Attica Locke nous emmène dans un Texas qu’on penserait encore bloqué dans les fifties, mais l’histoire se passe bien de nos jours, à l’est de l’Etat, dans le comté de Shelby.

L’auteure nous fait voyager dans le bayou, dans les marais putrides où l’on retrouve entre autres le corps de Mickaël, une des deux victimes. A travers sa plume, nous visitons le café “Geneva Sweet”, où la gérante, une femme noire du même nom que son café, est la proue, le pilier de sa communauté. Un havre où les noirs peuvent se retrouver sans être apeurés. Paradoxalement, Attica Locke nous entraîne aussi de l’autre côté du miroir, dans le bar suprématiste de cette même ville, bourré d’anciens KKK, maintenant renommés FAT (Fraternité Aryenne du Texas). Ces deux établissements, ces deux mondes que tout oppose vont se retrouver étroitement liés dans ce roman. L’auteure nous met le nez dans cette haine, cette violence. Elle exhume cette délimitation historique entre les États du Nord, abolitionnistes, et les États du Sud, esclavagistes. Délimitation qu’on pourrait penser désuète et qui est pourtant toujours aussi réelle.

Bluebird, Bluebird est un polar très réussi grâce à cette ambiance poisseuse du bayou, ses descriptions et décors. Mais aussi grâce à chaque personnage qui navigue dans sa propre histoire, son passé et possède son propre caractère. Le lecteur est happé par le rythme de l’intrigue et par l’atmosphère du livre. C’est un roman qui vous collera aux doigts et vous hantera encore plusieurs jours après sa lecture.