Conception, Texte, Vidéo, Interprétation : Corentin Skwara. Jusqu’au 18 février 2023 au Théâtre de la Vie.
The Sonics, groupe légendaire de rock garage a une influence marquante sur la scène punk des années 70. Cependant, n’ayant pas eu le succès escompté, ils se sont rangés assez vite après leurs essais en tant que rockstar. Cependant, passionnés jusqu’au bout, ni leur âge avancé, ni leur vie bien établie ne les dévie de leur feu intérieur, et c’est avec grand frisson d’adrénaline qu’ils se lancent dans une dernière tournée. Corentin Skwara, musicien et cinéphile, envoie un mail comme on jette une bouteille à la mer, contre toute attente le destinataire réagit.
Le décor du Théâtre De la Vie, avec son haut mur de briques rouges et son atmosphère old school, est un décor adéquat pour servir l’esprit underground qui caractérise l’aventure. Le joyeux désordre du plateau permet de cerner l’esprit vif et brouillon avec lequel le vidéaste a mené ce projet, à grand coup de cymbale, de retors technique et de de changement de cap. Une toile sur fond mural permet de projeter des extraits du documentaire commentés par le dynamique showman par bribes : au spectateur de mener ses recherches pour reconstituer le puzzle.
Gerry Roslie, Andy Parypa, Larry Parypa, Rob Lind, Bob Bennett – selon la composition classique – célèbrent l’âge mûr sous sa forme folle tout en restant intègres à eux-mêmes. Devenus pilote d’avion, entrepreneur, prêteur sur gage et professeur, ils ignorent à quel point ils ont marqué le monde de la musique et qu’ils sont cités en référence par The Hives ou Kurt Cobain ; ce retour aux sources est l’occasion de rendre hommage à leurs admirateurs et – défiant la norme – devient un point névralgique de leur carrière. Septante ans c’est l’âge de la distance et de la réflexion qui imposent une vue d’ensemble sur son parcours et ses choix, mais également l’âge où l’ego de la jeunesse est remplacé par une sagesse propice à un renouveau créatif. À l’encontre de la culture du jeunisme ce dernier élan réveille les esprits punks, comme le métaphorise The Witch, leur premier single peu diffusé à la radio, car considéré en objet étrange.
La troisième année de tournée, lors d’un concert en Angleterre, Corentin dit avoir perdu l’étincelle, son projet semble avoir touché le bout et son budget également, ne lui permettant pas de suivre le groupe à Tacoma, ville mythique de leur formation. Seulement, l’image d’un jeune fan de treize ans, récitant les paroles de The Sonics comme des mantras, rallume la flamme quand il lui fait part de l’amour inconditionnel pour ces artistes et dit avoir vécu the best moment of his life.
Le titre Have Love Will Travel a été utilisé pour une publicité pour voiture, ce qui a permis de reformer le groupe dans un nouveau souffle. Les opérations du hasard influencent notre destin sous la forme d’association incongrue, de mail impulsif ou de rencontre impromptue, et relancent la machine que l’on croyait rouillée. Plus qu’une ode à la musique rock, ce script grave une pulsion de vie destinée à tous les cœurs ardents, au-delà des contraintes budgétaires, géospatiales ou techniques.
