« Aliénés », ou un titre à double sens comme on les aime

Titre : Aliénés
Auteur : Fabrice Papillon
Editions : Plon
Date de parution : 14 octobre 2021
Genre : Thriller

Aliénés comme l’état perturbant et perturbé dans lequel les personnages de ce roman vont se trouver, et Aliénés comme ces petits hommes verts qui ont inspiré tant d’auteurs mais dont l’existence est sans cesse réfutée.

Louise Vernay est commandante de la brigade criminelle de Lyon – ville natale de l’auteur –, c’est une femme indépendante et quelque peu accro à certaines substances. Elle enquête sur le meurtre d’un scientifique américain retrouvé éviscéré dans un réseau de galeries souterraines méconnu. Au même moment, à 400 kilomètres de la Terre dans la station spatiale internationale, un astronaute américain est retrouvé dans le même état. Louise va s’intéresser de très près à ces deux homicides et utilisera tous les moyens mis à sa disposition (et même ceux qui ne le sont pas) pour tenter de les résoudre, quitte à mettre sa vie en danger et se retrouver poursuivie par les autorités du monde entier.

Voilà donc le troisième roman de Fabrice Papillon, auteur spécialisé en vulgarisation scientifique. Ce livre porte sur l’aliénation – comme son titre peut l’indiquer –, mais pas seulement. C’est un ouvrage relativement long (plus de 500 pages pour le grand format) qui introduit le lecteur à un certain nombre de domaines : complots politiques, thèmes de science-fiction, débats religieux, recherches scientifiques, spiritualité et mythologie, … En touchant à tout, on se retrouve également un peu perdu dans les différentes couches de savoirs, à ne plus percevoir « où sont le haut et le bas », comme les personnages le répètent souvent. On ne sait plus si l’explication du phénomène dont le livre parle est ésotérique ou scientifique : s’il existe une vie sur d’autres planètes ou si notre société est tellement dérangée qu’elle a engendré cette situation constitutive de l’intrigue.

S’intégrant dans la vague d’œuvres post-pandémiques, l’auteur nous emmène dans un futur proche où seuls les masques sont encore souvenirs de cette période COVID. Fabrice Papillon joue sur cette crise mondiale vécue par tous pour écrire sur une épidémie différente mais tout aussi globale : la montée en puissance des compagnies comme Google, Apple, Facebook, … Son idée est que ces entreprises vont utiliser le stress causé par cette pandémie et la crédulité des consommateurs pour les convaincre de la présence d’un virus extraterrestre, le tout pour éviter que la population se rende compte d’où vient réellement ce dernier.

Pour nous plonger dans ce récit contemporain, Fabrice Papillon écrit un narrateur omniscient qui fait passer le lecteur de l’esprit d’un personnage à celui d’un autre, sans prévenir et parfois assez brusquement au milieu d’une conversation. L’auteur chercherait-il à aliéner son propre lecteur avec ces changements de point de vue incessants ?

Un roman dans l’ensemble très complet avec des idées intéressantes. Chaque élément sert à l’intrigue et à la thématique. Même l’histoire d’amour entre Louise Vernay et Ethan Miller – pilote et astronaute britannique – qui semble sortie de nulle part, souligne l’aliénation des personnages. Louise Vernay est une femme sans attache qui n’a pas sa langue dans sa poche, jure sans cesse, boit et fume énormément, alors qu’Ethan Miller a le charme discret et suranné anglais, de la distinction, de l’ambition, une obéissance toute militaire et un savoir-être respectueux. On a donc deux personnages fort différents et peu enclins à s’entendre qui, pourtant, vont rapidement s’attacher et devenir le centre de la vie de l’autre. Jusqu’au bout le lecteur pourrait se demander si leur attirance est causée par leur aliénation ou non.

Une remise en question haletante et globale de notre société, portée par une enquête policière teintée de science-fiction, qui comblera les fans du genre et ravira les curieux qui se laisseront tenter.