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    Abîme à l’Atelier 210

    Ecriture et mise en scène de Céline Delbecq, avec Aurélien Van Trimpont, Charlotte Villalonga, photo: © Sylvie Moris

    Du 24 au 28 mars 2015 à 20h30 à l’Atelier 210 (Rideau de Bruxelles)

    Elle a fait ses valises pour partir, il s’est allongé torse nu pour dormir. Le figé s’anime dans une valse bouleversante de deux êtres qui se font leurs adieux, qui se battent pour la vie, et cherchent la paix avec la mort.

    Abîme dresse le portrait de la vie d’un homme en soins palliatifs et de sa femme qui l’accompagne pendant ses derniers jours. Il trace la difficulté de ce quotidien et souligne les questionnements atroces qui en surgissent. Comment osciller entre le positif et le négatif près d’un être cher mourant ? Faut-il parler de mort ou de vie ? Quand la mort tape à la porte, s’envolent toutes les réponses et s’installe le vide.

    Céline Delbecq exprime l’intensité de ce quotidien déchirant en toute justesse sans tomber dans la représentation du pathos, dans le surplus de mots et de musique. Du point de vue du mourant ou de son accompagnateur, elle rend justice au souvenir de son amie décédée pendant le processus de préparation, dont elle s’est inspirée. La force du vécu se sent dans l’énergie de la scène et se transmet dans les détails du spectacle.

    Les acteurs commencent par épuiser le vocabulaire de la maladie en énumérant tous les mots qui s’attachent à la mort, certains qu’on connaît et qu’on ne pensait jamais utiliser. Arrive le moment redouté où aucune parole ne veut plus rien dire et où seul le langage corporel vient combler le silence. Un geste en sa proximité physique devient plus intense que toute la sérialité des mots. Toucher est synonyme de vie. « Touche ma cicatrice », lui dit-il.

    En se rapprochant de la mort, le corps en voie de disparition gagne en ampleur. Les corps des deux acteurs s’épousent la durée d’une dernière chance et se séparent, ils se soutiennent avant de s’éteindre. Le corps impuissant du mourant se déplie en entier, crie la douleur, murmure l’indignation en douceur, se balance d’avant en arrière dans la souffrance. Il cherche, tombe puis se rattrape. Il s’agite, tremble, et se jette sans point d’atterrissage.

    Le spectre de la maladie plane sur l’atmosphère générale de la pièce et une lourdeur se vit. Si le spectateur n’arrive plus à respirer, s’il ne l’oublie pas tant est intense l’expérience, le corps du mourant se bat et essaie de respirer jusqu’à que ressortent les os squelettiques de sa cage thoracique.

    Plutôt un message d’amour et d’espoir qu’un pessimisme destructif, une pulsion de vie qu’une victoire de la mort, Abîme subjugue son spectateur dans une complexité de sentiments transcendants qui ne le quittent pas même après le spectacle.

    Patrick Tass
    Patrick Tass
    Journaliste du Suricate Magazine

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