Titre : Zia Zinzin
Auteur.ice.s : Caroline Nasica
Edition: Dargaud
Date de parution : 04 avril 2025
Genre du livre : Roman graphique
Aio ! Hé torntaia ! Elle est revenue, l’enfant du pays. Après une histoire d’amour tempétueuse, Caro retrouve les berges de son enfance. Ça fait un an qu’elle n’a plus mis les pieds en Corse. Dans cet endroit qui, selon ses propres dires, lui permet de se sentir bien. Chez elle. Malheureusement pour elle, ce repli insulaire ne durera qu’un été. Un été que Caroline Nasica compile dans Zia Zinzin, profitant de l’occasion pour faire un portrait sans concession d’une région sauvage, joyeusement bordélique et dont les côtes sont grignotées par le tourisme.
Bien qu’elle soit partie, tout semble être resté figé. Son village est un bastion du passé, qui résiste à toute forme de changement. Tout comme la maison familiale, dans laquelle sa grand-mère l’accueille. En été, le temps paraît bloqué sur une après-midi sans fin. Le soleil de midi brûle le corps des étudiants en vacances qui passent leurs journées au bord des lacs. Le dessin de Caroline Nasica traduit si bien l’ambiance estivale qu’on a presque l’impression d’entendre le silence caniculaire, suivi du chant des grillons qui annonce le début de soirée. Même si son trait rapide manque parfois un peu de précision, elle parvient à donner forme à ces villages endormis des campagnes méditerranéennes.
Mais la Corse, ce n’est pas qu’une longue apathie balnéaire. C’est aussi toute une culture. Dans ces villages où tout le monde se connaît, la rumeur va bon train. Le tempérament sanguin des Corses et le rapport hostile qu’ils entretiennent parfois avec les liens du sang font en partie la spécificité de leur identité. Les familles se déchirent autant qu’elles se protègent. On s’aime et on se méfie. Partout, il y a des fous. Des bruyants. Des bandits. Des personnes entières, au tempérament revendicateur et chaleureux. En tout cas, c’est la caricature qu’en fait Zia Zinzin dont le titre s’inspire du personnage de la tante folle qui hante toutes les familles.
Et cette culture, Caroline Nasica désire qu’elle soit protégée. D’ailleurs, certains Corses revendiquent leur indépendance. Mais sans aller aussi loin, la majorité d’entre eux s’opposent surtout à l’envahissement de l’île par les vacanciers qui achètent des villas pour en faire des secondes résidences ou des locations Airbnb. Une migration métropolitaine et riche qui ne colle pas avec l’esprit de la région. D’ailleurs, les locaux déplorent l’augmentation du coût de la vie, mais aussi l’irrespect de ces nouveaux habitants qui ne cherchent ni à rencontrer les Corses ni à s’intéresser à leur culture.
Ces protestations, dont Caroline Nasica se fait la porte-parole, semblent légitimes. Mais sa position paraît parfois légèrement hypocrite. À aucun moment, la jeune étudiante ne se questionne sur son propre parcours. Elle a beaucoup déménagé. Comme nombreux de ses compatriotes, elle a fui son île à la recherche de plus d’opportunités. Mais elle ne se demande jamais si, en s’installant dans certains lieux, elle n’aurait pas aussi contribué au changement démographique de ceux-ci. Elle reconnaît facilement que Marseille est une terre d’accueil pour les Corses qui se retrouvent souvent entre eux. Et pourtant, elle s’installe à Marseille. Avec un corse. Tout en se plaignant du manque d’intégration des nouveaux propriétaires sur son île.