Titre : Voie de garage
Auteur.ice.s : Sophie Adriansen et Arnaud Nebbache
Edition: Dargaud
Date de parution : 21 mars 2025
Genre du livre : Roman graphique
Paulin sort des rails. Il ne file pas droit. Depuis tout petit, son amour pour les trolleybus paraît irrationnel. Il excelle dans les matières scolaires qui le rapprochent de sa passion, mais ne parvient pas à trouver de l’intérêt pour celles qui l’en éloignent. Dès qu’il le peut, il s’évade dans son monde imaginaire. Un monde dans lequel il est devenu chauffeur de transport en commun. Petit Paulin grandit. Et malheureusement, l’adulte qu’il devient souffre de trouble de la personnalité qui contrarie ses ambitions. Enfin, officiellement. Officieusement, Paulin ne renonce pas. Équipé d’un caddie avec des manettes, il sillonne la ville pour ramasser les passagers de son étrange embarcation.
Paulin prend très au sérieux sa mission. Et son entêtement commence à le rendre célèbre au-delà des frontières de son quartier. Certains le voient comme un génie, alors que d’autres jalousent sa notoriété. Des honnêtes gens observent d’un mauvais œil la mise en liberté de cet excentrique pourtant inoffensif. L’affaire prend des proportions telles qu’elle finit en justice.
L’avocat de Paulin le compare à Dreyfus. Nous, c’est au facteur Cheval qu’il nous fait penser. Il devient vite la coqueluche du musée d’Art brut de Lausanne qui prend toute la mesure de sa maîtrise technique et poétique. Paulin a construit ses propres trolleys, et accompagne tout le voisinage, y compris les enfants, dans leur trajet. C’est une œuvre perfomative, entière, qui mérite d’être exposée. Mais est-ce seulement une œuvre d’art ? Pour Paulin, c’est un travail sérieux qui demande de la rigueur, mais aussi une bonne communication avec les équipes.
À la dimension artistique, s’ajoutent des considérations politiques dont Paulin n’a que faire, cela dit. Son geste questionne la nécessaire rentabilité de nos modèles sociétaux. Est-ce qu’une vie ne vaut pas le coup d’être vécue si elle n’est pas productive pour la collectivité ? Et qu’est-ce que la productivité ? Est-ce nécessairement une donnée qui se calcule financièrement ? Par ailleurs, tout en s’appropriant une tendance graphique qui préfère aux traits des formes évasives de couleurs, Adriansen et Nebbache interroge également les notions de santé mentale dans leur récit. Paulin est-il réellement plus fou que la société malade qui l’ostracise ? Comme le lecteur, sa voisine s’interroge, d’ailleurs : « Je me demande si le véritable problème avec Paulin n’est pas du côté de ceux… de ceux qui ne le comprennent pas ».