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    Rouge humide, la quête du râle

    Titre : Rouge humide
    Auteur.ice.s : Rose Brunel
    Edition : La Musardine
    Date de parution : 24 avril 2025
    Genre du livre : Roman

    Dans Rouge humide de Rose Brunel, Léo a 17 ans et ne pense qu’à une chose : la sacro-sainte pénétration. Même s’il sait que le sexe pénétratif ne fait pas tout, il veut goûter à la chose et surtout cesser d’être puceau (donc, dans son langage, avoir pénétré un vagin de son sexe). Cela tombe plutôt bien car il est en relation avec Constance, et qu’ils sont prêts à se toucher en dessous des vêtements. Mieux encore, sa voisine, Nanine, est performeuse au cabaret du coin et cam-girl quand elle se trémousse devant des clients chez elle. Bref, Léo a de quoi apprendre.

    Quand on lit le résumé du livre, on se dit qu’il faut accepter la prémisse de base de la fiction. Un jeune garçon de 17 ans, pas très populaire et qui passe son temps à dessiner Constance à poil, commence à travailler puis devenir ami avec une strip-teaseuse. Ce n’est pas tout. Léo va entrer dans le cabaret, malgré qu’il soit mineur, découvrir les coulisses où les filles se changent et se déshabillent et… commencer à rouler des gros patins à Nanine pendant que celle-ci le masturbe dans l’escalier de secours. En parallèle de sa relation avec Constance, Léo va donc aussi développé quelque chose avec Nanine.

    Un scénario de film pareil n’aurait pas été surprenant dans les années 1990 aux USA ou à l’époque du Steve Carell de « 40 ans, toujours puceau ». Sauf qu’il est écrit par Rose Brunel, une femme avec un regard un peu différent sur ce fantasme adolescent d’apprendre le sexe avec une meuf mature. Elle détaille les actions, alterne entre des mots très crus et des expressions très imagée. Si l’autrice ne tourne pas autour du pot et qu’elle parle de chattes, de bites et de langues qui se délectent de nectars mouillés, Brunel développe tout de même le récit sur autre chose que le sexe, contrairement à son précédent roman, « La bouche pleine ». Elle parle des affects et des enjeux propres à cet âge-là, dans cette cours de récréation intraitable, laisse la pénétration en hors-champ pour s’occuper de tout le reste, des parties du corps à toucher et caresser et des étoffes, du maquillage aussi.

    Le « souci » vient peut-être du langage adopté. Léo écrit un journal, l’écriture du roman met en parallèle ses mots notés sur le papier et ceux échangés avec ses pairs (à défaut d’amis, il n’en a pas vraiment), Constance, ses parents, etc. Et Rose Brunel a tenté de retranscrire ce langage des jeunes de 17 ans. Sans entrer dans un débat du caractère vraisemblable ou non d’un tel langage, et même s’il semble juste, à la lecture, ça peut fatiguer de lire des « toussa » ou « qu’est-ce qu’allait pas ? ». La fatigue est visuelle, même pas orthographique. Et achopper régulièrement sur le langage freine un peu le récit.

    Rouge humide décrit donc cet adolescent tout gentil et invisible qui voit cette meuf, d’une classe sociale supérieure, plutôt cool et ouverte sexuellement, « qui l’a déjà fait » avec d’autres, sans savoir exactement ce que lui et elle développent ensemble. Progressivement, le gosse timide va devenir la mascotte du lycée et la figure admirative des mâles alpha en postant une photo de lui où on le voit entouré de plein de strip-teaseuses quasi à poil. Le personnage passe du tout au tout par la magie d’une progression narrative accélérée. Rose Brunel parle de beaucoup de chose dans ce livre, et semble délaisser au trois-quarts du livre la question de la perte de la virginité pour parler des masculinités, des réseaux sociaux, des relations qui s’établissent entre personnes sexuées, de l’amitié, de ce que veut dire tromper quelqu’un, etc, en ne faisant qu’effleurer le propos et en ne donnant ni réponse ni solution (ce qu’on ne lui demande pas). On en vient à se demander quels sont les lecteurs et lectrices cibles qu’elle avait en tête en écrivant ce livre.

    En attendant, tout comme « Vierge » de Constance Rutherford paru il y a deux ans, Rose Brunel s’intéresse au sexe fait par des ados à l’époque du consentement. La notion questionne aussi Léo, dans le sens où s’il comprend bien le principe, il a peur du sexe à deux par crainte de commette un faux pas. Alors, l’autrice décide d’y aller progressivement et s’attache à érotiser une scène de masturbation où chacun prend son plaisir devant l’autre sans toucher personne, avant de passer, quelques pages plus tard, à la découverte du rouge humide par leurs langues et leurs doigts respectifs, en partageant leurs fluides. L’accent est mis sur la sexualité positive plutôt que la mise en garde (des maladies, de la grossesse), même si en l’occurrence, si Léo explore avec Nanine, il ferait bien d’avoir une discussion avec Constance. Rose Brunel décrit des jeunes actuels en recherche, avides de découvertes et d’explorations, curieux d’explorer leurs territoires intimes, moins bloqués par la honte que la peur de mal faire ou d’en vouloir de trop.

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