Titre : Romance à l’anglaise
Auteur.ice : Erica George
Edition: Casterman
Date de parution : 05 mars 2025
Genre du livre : Romance
Que dirait Jane Austen, si elle voyait aujourd’hui l’héritage de ses mots rayonner dans les rayons des librairies et les cœurs de lecteurs passionnés ? Elle, qui a quitté ce monde bien trop tôt, sans jamais connaître les échos de son génie. À une époque où ses héroïnes étaient presque trop libres pour leur siècle, elle tissait déjà, sous couvert de convenances, des histoires d’amour, d’émancipation et de réalisation.
Avec Romance à l’anglaise, Erica George s’inscrit dans cette grande tradition avec une aisance réjouissante. On y retrouve tout ce qui fait le charme des classiques : un style élégant et vivant, une tension romantique bien dosée, une société rigide et deux personnages dont les différences sont autant d’obstacles que de tremplins vers l’autre.
Je t’agace, donc je suis
L’ombre d’Elizabeth Bennet et de Mr Darcy flotte doucement au-dessus de ces pages – non par imitation, mais comme un clin d’œil respectueux. Ici aussi, ce sont deux esprits libres, deux tempéraments qui s’affrontent avant de se reconnaître. Dès les premières pages, le ton est donné : ça pique, ça tacle, ça grince. Elle, c’est une femme vive, audacieuse, avec du répondant et un franc-parler qui détonne dans son époque. Lui, c’est un homme agacé, troublé, parfois dépassé par cette énergie qu’il ne sait pas encore nommer : attirance, défi, fascination ? Au début, ils aiment à se détester. Ils se chamaillent plus qu’ils ne se parlent. Mais au fil des chapitres, ce jeu devient autre chose. Ils commencent à se confier, à se révéler, à découvrir chez l’autre ce qu’ils n’avaient jamais osé chercher ailleurs : une forme de complémentarité inattendue.
Et c’est peut-être ce qui rend cette romance si touchante : on ne tombe pas ici amoureux d’un sourire ou d’un regard. Ce n’est pas une simple affaire de coup de foudre. C’est une lente construction, fondée sur la confiance, sur la parole, sur les blessures avouées. Sur ce moment rare où quelqu’un vous voit vraiment – et vous aime pour cela.
Autour d’eux, une galerie de personnag
es secondaires – hauts en couleur, délicieusement dessinés – apporte du rythme et de la texture à ce tableau déjà très vivant. On sent presque le parfum de la pluie sur les pierres, la douceur d’un rayon de soleil à travers une fenêtre, la quiétude d’une balade dans un jardin. Une atmosphère douce, presque familière, dans laquelle l’histoire se déploie sans jamais forcer le trait.
Sous le regard de Jane
Mais ce roman, sous ses dehors romantiques et charmants, a aussi quelque chose de plus discret, presque politique. Il rappelle – comme le faisait Austen en son temps – que l’amour véritable ne devrait jamais être synonyme d’effacement. Que la dévotion ne doit pas rimer avec abnégation. Et que même dans les récits les plus tendres, il est essentiel de réaffirmer une chose : on peut aimer ardemment, follement, tout en demeurant soi.
C’est là, peut-être, la vraie beauté de cette Romance à l’anglaise : celle d’un amour qui respecte, élève, et jamais ne consume. Et c’est aussi, peut-être, ce que Jane aurait aimé lire.
