Titre : Mon assassinat
Auteur.ice.s : Katie Williams
Edition : Actes Sud
Date de parution : Mai 2025
Genre du livre : Roman noir
Ne vous laissez pas avoir par sa tranche noire et son encadrement rouge, typique de la collection Actes noirs dédiés à une littérature plus thrillesque, ni par son titre évocateur d’un univers sordide, Mon Assassinat est, à coup sûr, bien différent que ce qu’il annonce. En fait, Katie Williams se détache des normes du genre – cliffhangers, montée en tension, suspens. Elle éradique les diktats. À tel point qu’elle prend le contre-pied de cette littérature, en s’illustrant non pas dans un récit d’enquête mais dans une analyse de la vie après la mort.
Lou est une petite veinarde qui a récemment pu profiter d’un nouveau programme de réanimation des défunts. Elle, qui avait été la cinquième victime d’un meurtrier en série très médiatisé, se voit offrir la possibilité de retrouver le calme et l’amour de son foyer. Une revanche sur la mort. Une seconde chance pour la vie. Mais, l’heureux événement n’est pas accueilli avec tant d’enthousiasme par la première concernée. Lou ne connecte plus vraiment avec ses proches. Ce qu’elle a vécu installe une distance. Elle doit faire le deuil d’un ancien soi dont elle se souvient à peine. Sa fille de neuf mois semble ne pas la reconnaître, hurlant à gorge déployée son hostilité. Ses amis l’oppressent.
Nous nous sommes tous déjà secrètement moqués de certaines aberrations lancées par une connaissance visiblement trop éméchée en soirée. Un cousin qui questionne vos choix professionnels. Un oncle qui n’est pas du même bord politique que vous et qui juge qu’un repas de famille est le moment opportun pour vous le signaler. Mais la situation de Lou permet une version 2.0. de ce condensé de gène. Ressusciter attise la curiosité des invités. Et à chaque fois, une personne plus téméraire que les autres déroge aux règles de politesse tacites et pose cette question qui brûle toutes les lèvres : « Te souviens-tu de ta mort ? ».
Et c’est ce point, tout particulièrement, qu’entend explorer Katie Williams dans Mon Assassinat : notre appétit pour la violence. Elle confronte justement les lecteurs de polars à cette fascination de l’humanité pour les crimes spectaculaires. Dans cette dystopie futuriste, elle imagine des médias comme des jeux vidéo capables d’étancher notre soif de sang. Ce n’est donc pas un thriller au sens habituel qu’elle écrit, mais plutôt une œuvre hybride mêlant horreur et considérations sociologiques et philosophiques.
En plus de notre attrait pour le malsain, l’autrice questionne la mise en scène du moi, à l’heure où les réseaux sociaux font intégralement partie de nos quotidiens. Avec ce nouveau programme de réanimation, le moi devient un concept factice. Modulable. Reproductible. Et même si un tel outil n’est pas encore venu « améliorer » nos quotidiens, il fait douloureusement écho à certaines problématiques actuelles. Mais entre la volonté de livrer un récit haletant et celle de l’agrémenter de pistes de réflexion philosophiques, Katie Williams se laisse un peu déborder par son ambition. L’écriture n’est pas mauvaise, mais l’histoire ne décolle pas. Pourtant, l’autrice a de bonnes idées. Il lui manque peut-être, juste, une meilleure prise sur son univers. Sur la manière dont elle organise le futur.