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    Mecs in progress. L’homme déconstruit existe-t-il vraiment ?

    Scénario et dessin : Lauraine Meyer
    Éditeur : Steinkis
    Sortie : 15 mai 2025
    Genre : Roman graphique

    Une femme (Selma), sur la couverture de Mecs in progress de Lauraine Meyer, marteau piqueur en main, déboulonne une gigantesque figure masculine, avec de gros bras et des pectoraux qu’on devine bien dessinés. Deux hommes (Jimmy et Dédé), truelle en main et rouleau de peinture, reconstruisent : il faut bien, après #MeToo, combler les trous béants et peindre de couleur fraîche l’ossature de cet homme nouveau, l’homme déconstruit. 

    La créatrice, à l’aide de ces trois personnages, deux hommes (Jimmy, homme noir début trentaine et Dédé, homme blanc d’une cinquantaine d’années) et une femme (Selma, femme blanche, début trentaine), va donc parler de ces hommes qui ne savent plus trop où ils en sont. Ils sont néanmoins prêts à écouter d’une oreille attentive les conseils pour agir différemment, dans l’optique d’effacer les marques de sexisme, machisme, racisme (etc.) en eux. Reprenant les bases de la base du féminisme, Lauraine Meyer mentionne des notions comme le plafond de verre, l’hétéro-normativité, les injonctions, le sexisme ordinaire, etc.

    Ce faisant, ces concepts sont introduits aux deux hommes par… un pigeon. Qui disparaîtra/réapparaîtra de temps à l’autre, tandis que les protagonistes profiteront d’un voyage en croisière de luxe pour faire le point. Selma sera là pour faire la liaison entre les différents chapitres et pénétrer dans la tour du patriarcat, dans ce récit qui se focalise plus sur ses idées féministes que sur la qualité de son dessin (qui fait penser à celui, récent, de l’adaptation en BD de Le prix à payer, en moins rigolo) ou sur un quelconque aspect réaliste. Si l’initiation féministe est intéressante, surtout pour ceux (et celles) qui ont besoin qu’on leur prenne la main pour commencer à avancer, Mecs in progress reste une bande dessinée complètement hors-sol.

    Nous suivons les  changements intérieurs de deux mecs, Jimmy et Dédé, sans avoir accès à leur psychologie profonde ni avoir aucune idée du lien qui les unit. Comme trop souvent, lorsqu’on lit des ouvrages féministes post « #Metoo », le classisme est laissé de côté, juste évoqué en passant, l’air de dire. Ex-parisienne, comme elle l’écrit dans sa biographie, Meyer nous parle d’un féminisme qui aimerait faire tout mieux que tout le monde tout en prenant des paquebots de luxe ultra-polluants, et en ne se souciant pas une seconde des aléas financiers de ses personnages, de leurs conditions de vie matérielles. Or, le féminisme ne peut pas être que l’apanage de ceux et celles qui peuvent se le permettre, ceux et celles qui font des études artistiques ou supérieures dans les grandes capitales européennes. Ce féminisme de gauche en est réduit à la gauche bobo. Malgré l’intérêt de son ouvrage, un tel manque (écologiste et social) ne peut que rebuter par moments.

    L’ouvrage reste néanmoins assez agréable à lire et vaut surtout la peine pour les synthèses, à la fin des 3 chapitres, écrits par Noëlla Bugni-Dubois, qui organise notamment des groupes de parole entre hommes (dont certains ont commis des violences sexuelles). Elle est claire dans ses propos, résume en 2 pages ce qui vient d’être distillé dans 70 pages de dessins et elle se permet même d’aller un peu plus loin encore dans la réflexion. Elle pousse à ne jamais cesser de se remettre en question, à ne pas croire qu’il existerait une étape homme déconstruit qu’il faudrait franchir pour être arrivé, à tout simplement ne pas chercher à opposer des hommes par essence mauvais aux hommes biens. Elle complexifie le propos et est la véritable raison d’offrir Mecs in progress à son entourage.

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