Marguerite et moi au Théâtre 140

Mise en scène de et avec Fatima Soualhia-Manet et Christophe Casamance

Du 25 au 28 février 2015 à 20h30 au Théâtre 140

Il y a des écrivains, comme ça, touchés par une forme de grâce, dont l’aura et l’acuité de regard forcent la réflexion. Marguerite Duras appartenait à cette veine-là. Son style littéraire, puissant et singulier, ne manquait pas de lucidité sur la condition humaine. Sa parole, violente et incertaine parfois, brillante et terriblement drôle souvent, provoquait également moult frémissements dans la sphère médiatique. C’est que la grande prêtresse des lettres élevée au rang de mythe littéraire n’en était pas moins une femme engagée, présente sur tous les fronts, livrant sans concession ses opinions bien tranchées.

C’est à travers le prisme de cette parole libre que la pièce « Marguerite et moi » nous emporte dans l’univers de Duras. Elle n’aborde pas l’œuvre écrite de l’auteure de L’Amant – prix Goncourt 1984 -frontalement mais dresse plutôt le portrait de la femme subversive en puisant dans le vivier de ses entretiens télévisuels et radiophoniques avec différents journalistes entre 1970 et 1990.

S’il lui arrivait, durant les heures consacrées aux journalistes, d’opposer de longs silences, de résister ou de détourner certains questions gênantes ou inappropriées, Duras sut également, tantôt par sa drôlerie, tantôt par sa férocité, se distinguer et se livrer sans réserve sur des petits et des grands sujets lors d’entretiens bien menés. Au détour de questions sur la cuisine, sur le communisme, sur son regard sur le monde, sur son rapport à l’écriture ou encore sur sa relation avec l’alcool, elle pouvait se révéler tour à tour, provoquante, drôle, intraitable, caustique mais aussi anxieuse et terriblement touchante. Entre les mots, les rires tonitruants et les silences de Duras, se dissimulaient aussi les stigmates et les blessures de son enfance qui hanteront à jamais son œuvre : la mort du père, le manque d’amour maternel, la déchéance de la famille.

Durant plus d’une heure, le spectateur est invité à s’approcher au plus près de Duras, comme s’il assistait en direct à ses entretiens qui eurent parfois lieu en-dehors des plateaux télés, sur une plage de Normandie, dans un café ou même dans la cuisine de sa maison.

Sur un plateau nu, quelques objets et accessoires aident à prendre le temps à rebours, de la vieillesse à l’enfance. Une courte vidéo convoque également des gens de la rue, s’invite sur les plages de Normandie et fait résonner la voix particulière de Duras.

Fatima Soualhia-Manet prête ses traits à Marguerite Duras et l’incarne brillamment sans jamais chercher à l’imiter. Au fil des mots, des gestes, elle parvient à donner chair à l’icône littéraire, à la femme de gauche mais aussi à la femme aux prises avec son quotidien. Christophe Casamance campe successivement différents journalistes confidents. Il apparait et disparait et tente de percer le mystère Duras.

Mis en scène avec finesse par les deux comédiens, le spectacle « Marguerite et moi » vous convie à une sublime soirée durassienne. A voir absolument pour y découvrir les autres visages du mythe.

Photo: © Fabienne Boueroux

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