Titre : Londres
Auteur : Louis-Ferdinand Céline
Edition : Gallimard
Collection : Folio
Date de parution : 19 septembre 2024
Genre du livre : Roman
Après leur restitution aux héritiers de Céline en 2021, des manuscrits jusqu’alors inconnus du grand public ont pu voir le jour et grossir le patrimoine littéraire français dont Céline est une figure couronnée. Après avoir raconté la convalescence d’un soldat dans Guerre, l’auteur nous dégueule Londres, deuxième volet d’une œuvre baignée dans une atmosphère fin de guerre.
Céline erre dans le Londres des pestiférés. Il retrouve son amie Angèle, et en profite pour se l’enfiler. Et puis, il s’impose maladroitement sur la scène proxénète de Leicester Street dans la capitale anglaise. À l’époque, dans le milieu, ils étaient encore plein de « rouflaquettes bien gommées, la cravate facilement rouge, la moustache Max Linder et le melon grisonnant », a jeter des shillings aux musicos devant la maison de passe pour couvrir le chambard de l’intérieur, le bruit des tabassages.
Céline fait partie du Panthéon des auteurs qu’il faut avoir lu. Il est divinisé. Et pour ses qualités littéraires, la francophonie peut bien lui pardonner certaines outrances. On est même prêt à balayer de l’histoire sa collaboration avec les fronts nazis, ce qui permet de qualifier avec commodité de « vol » la « perte » du manuscrit de Londres. Il faut dire que Céline se vautre dans des descriptions imagées et propose une écriture unique pleine de stupre et loin des normes. Il est viscéral. Dans Londres, il offre une partition urbaine, ignoblement mélodieuse, qu’on pourrait rapprocher du Berlin Alexanderplatz d’Alfred Döblin. C’est une ode à la ville, et plus particulièrement à la capitale anglaise.
Mais, s’il ne faut pas avoir lu Guerre pour apprécier Londres, à choisir, il vaut mieux lire le premier qui est plus dynamique. Londres se perd dans une écriture désordonnée, répétitive, surchargée et qui plus est haineuse. Céline y est ouvertement antisémite. Et encore, l’image qu’il donne des Juifs n’a rien à envier à celle de la femme, objectivée pour le plaisir des hommes. C’est une autre époque, certes, dont on pourrait prendre l’œuvre de Céline comme témoin. Mais ne pourrait-on pas également se demander à quel point, sans un bon avertissement en préface, un livre comme Londres pourrait contribuer à renforcer les discours de haine ?
Ceux qui disent que Londres est agréable à lire sont soit des experts de l’histoire de la littérature française soit des lecteurs qui veulent se la péter. Londres est un fardeau. Un lexique des termes argotiques utilisés par l’auteur et un récapitulatif des personnages est mis à disposition du lecteur qui doit s’y référer régulièrement s’il veut suivre, ce qui en dit long sur la pénibilité de la tâche. Et en même temps, il faut bien reconnaître à Céline que l’œuvre est tombée dans le domaine public sans son consentement. Peut-être aurait-il aimé corriger les documents qui lui ont été « arrachés » avant qu’ils ne soient publiés.
« Arrachés ». Les mots sont difficiles à trouver pour qualifier les raisons de l’absence des manuscrits dans le domaine public. Il semblerait que Céline, accusé pour sa collaboration avec le régime nazi, ait été obligé de fuir la France en laissant derrière lui ses projets inachevés. La perte des documents qui est qualifiée de « vol » notamment par les ayant droits fait l’objet d’une histoire finalement plus intéressante que le contenu des documents eux-mêmes.