L’Œil de l’espadon d’Arthur Brügger

L'oeil de l'espadon

auteur : Arthur Brügger
édition : Zoé
sortie : septembre 2015
genre : roman

Découvert en 2012 lors du Prix du Jeune Ecrivain avec sa nouvelle Trompe-l’œil et après divers nouvelles et recueils, Arthur Brügger, 24 ans, publie L’œil de l’espadon aux éditions Zoé.

En lisant la quatrième de couverture, l’histoire ne fait pas vraiment rêver. Dans ce roman, on y suit Charlie, 24 ans, apprenti poissonnier. Ce personnage naïf a le don d’agacer par le fait qu’il subisse tout: la vie et surtout ses pensées. Sa personnalité quelque peu brute de décoffrage nous laisse comprendre que non, Charlie n’est pas un gentil idiot. Il est plus intelligent et intéressant qu’il n’en a l’air.

Arthur Brügger crée ici un personnage fade, simplet mais sensible et taciturne. Ecrivant comme parlerait Charlie avec des allures d’adolescent, il parvient à dessiner, page après page, de multiples détails qui cernent le personnage et nous aident à l’apprécier. Mais contre toute attente, il n’y a pas réellement d’évolution. Oui, il rencontre le jeune intellectuel Emile. Mais ce dernier n’aura qu’un petit impact sur Charlie qui se rebelle même si c’est un peu trop tard.

Malheureusement pour ce roman, il y a trop de descriptions dont le lecteur pourrait se passer notamment l’évidage du poisson qui pourrait même donner la nausée à certains lecteurs par moments (ce qui prouve un certain talent de description). Le personnage a beau prendre vie, les descriptions et les répétitions de pensées de Charlie en deviennent irritantes.

Néanmoins, l’auteur parvient à poser la question que beaucoup se posent: comment se démarquer – entre l’image que l’on donne et qui l’on pense être vraiment- comment apparaitre tel que l’on est ? Ce personnage, touchant malgré tout, semble tâtonner du bout des doigts, l’espoir de changer. L’espoir de ne plus être le gentil imbécile souriant que tout le monde apprécie de loin.

Dans une écriture fraiche et dynamique, il est question derrière ce manuel de poissonnier, de gaspillage alimentaire. C’est une critique de l’exploitation, du monde de la vente mais surtout de la stagnation. De la lenteur et la répétition du quotidien qui déteint et dont le rythme, pour ces personnages, est métro-boulot-dodo. On se rend compte à travers ce roman et malgré l’absence d’un cadre spatio-temporel, qu’il existe encore des métiers aujourd’hui qui demandent les mêmes sacrifices. Celui de la vie privée.

Avec un peu d’humour et beaucoup de sensibilité, Arthur Brügger explique le quotidien de ces employés du Grand Magasin ainsi que le décalage entre ces derniers et leurs cadres pour qui le but est toujours le même: faire plus de chiffre avec plus de travail et moins d’argent. Evidemment, ce sont toujours les mêmes qui gagnent moins…

Malgré certains passages soporifiques, L’Œil de l’espadon aurait pu se démarquer sous forme de nouvelle. Mais peut-être que l’ennui y est intentionnel pour révéler la réalité de la vie lorsque l’on n’aime pas son travail…? Quoiqu’il en soit, malgré le fait que le sujet soit si maussade, l’écriture y est fantastique.

A propos Raphaëlle McAngus 49 Articles
Journaliste du Suricate Magazine

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.