Déclinaison d’une photographie métaphysique avec Hans-Peter Feldmann à la Fondation A

Serie 100 jahre, Aloys, 87 Jahre (c) Hans Peter Feldmann

La fondation A, centrée sur la photographie, a pour fondement la conservation des archives et l’intégrité relative à sa situation dans l’ancien quartier industriel de Forest. Pour cette nouvelle exposition, 100 Jahre elle choisit d’explorer le travail d’un photographe en marge du marché de l’art qui a, malgré lui, marqué le milieu artistique contemporain. Né à Düsseldorf en 1941 – foyer culturel, à l’époque – l’artiste Hans-Peter Feldmann ne juge pas nécessaire de fournir de plus amples informations biographiques. Plusieurs séries d’images explorent sa personnalité artistique, marquée par une pratique qui s’écarte de celle dictée par le système capitaliste.

Serie 100 jahre, Nora, 19 Jahre (c) Hans Peter Feldmann

Déclinaisons subtiles

Pionnier du livre d’artiste depuis 1968, les conventions de la photographie se trouvent révélées par la répétition qui caractérise la mise en art de Feldmann. Topologie des âges, fashion-genoux, habits à la propriétaire anonyme, le ton neutre de ces images ne relève que mieux la finesse des singularités capturées, le regard bifurque et s’engage dans la linéarité proposée d’une banalité presque médusante. Un parti-pris qui permet d’infléchir la photogénie et d’identifier les détails comme des indices vers un cheminement réflexif. Notre discernement tout comme notre sensibilité peuvent donner une connotation, une interprétation et un passif à ces prises de vue peu prolixes. Le photographe capture et propose sans inciter vers une voie de réception définie.

Serie 100 jahre, Sybille, 37 Jahre (c) Hans Peter Feldmann

En marge

N’hésitant pas à emprunter des clichés réalisés par des tiers et à en disposer selon son inspiration, sa posture anti-mainstream lui vaut d’éviter toute revendication de droit d’auteur et autres torts judiciaire. En 1979, le photographe se retire radicalement de la scène artistique, car il ne se retrouve pas dans la spéculation qui accompagne dorénavant toute production artistique. Kasper König réussit à le convaincre de renouer avec le milieu dix ans plus tard signant une seconde arrivée sur le marché de l’art nettement moins remarquée, mais non moins talentueuse. Sa ligne directrice de vie le pousse à ne pas séparer le travail artistique de son activité professionnelle, qu’il soit artisan ou marchand de jouet. Cette philosophie ne place pas l’art sur un piédestal, préférant diluer la pratique esthétique dans la vie courante.

Serie 100 jahre, Felina, 8 Woche (c) Hans Peter Feldmann

Métas – photo

Feldmann évite l’habillage langagier pour se concentrer sur la substantifique moelle de chaque série. Opérant en double hélice, il parvient à théoriser la photographie en la présentant sous des formes lambdas sans en expliciter le fond : un regard méta sur cette pratique pour prévenir toute surenchère conceptuelle et appuyer l’aspect projectif que les médiums artistiques ou publicitaires peuvent revêtir. Cette rétrospective permet de se questionner sur le statut du photographe et le poids narratif que stipule par avance notre œil analytique. Ôtées de pigmentations saturées et d’expressivité émotive, les œuvres prennent une dimension presque fantomatique et s’assemblent fluidement. Un travail à la démarche singulière qui occasionne des réflexions sur la notion de propriété qui est spontanément attribuée aux images qui peuplent notre environnement.