Festival international des Arts de la rue de Chassepierre 2018 : 5 spectacles qu’il ne fallait pas manquer

Dès l’ouverture des portes, la foule s’élance dans les rues du festival de Chassepierre. Déjà les plaines de verdure se recouvrent d’une couverture d’un public assoiffé de curiosités artistiques. Et les saltimbanques, les artistes, musiciens, équilibristes ou autres clowns déambulent avec les spectateurs dans les ruelles.

On retrouve tous les styles dans le monde qui s’agglutine devant les dix-sept espaces scéniques. Il y a les familles qui ont embarqué la grand-mère et le petit chien en trimbalant le dernier né dans une poussette qui sert de range-tout. On retrouve les amoureux de l’art de la rue, les amoureux tout court qui se tiennent la main étendus dans l’herbe et qui se laissent porter par la poésie du domaine. Les plus préparés ont pris leurs sièges portatifs. Que ce soit le tabouret pliable de camping ou deux coussins fixés pour faire un dossier sur le gazon. On aperçoit aussi énormément de libres esprits qui ont laissé leurs chaussures dans leur camionnette VW. Et certains qui profitent de l’occasion pour arborer un costume extravagant, steampunk ou clownesque.

Pour chaque spectacle, il vaut mieux arriver le plus tôt possible pour trouver une place assise (quand il y en a), sinon on se serre les uns contre les autres, on essaye de mettre une demi-fesse sur un muret ou on brûle en plein soleil, posé dans l’herbe. On retrouve même des gens installés dans la rivière juste à côté, à la fraîche. Au fur-et-à-mesure des années, Chassepierre se remplit de plus en plus. Un tsunami de scrutateurs englobe la plaine. Et l’on peut se promener de spectacles en merveilles sans trop déranger les autres. D’ailleurs, les gens ne se privent pas de commenter les spectacles, de chanter ou même ce type qui essaye de jongler dans le public et éparpille ses boules au lieu de suivre la représentation. Et souvent, alors que l’artiste est en train de faire des prouesses d’équilibre, de jonglerie ou encore musicales, nos voisins perturbent notre attention. « Brigitte !? C’est toi qui a les clés de voiture ? » ou « J’vais chercher des bières, tu veux quoi !? » ou encore « Tcheu ! T’as vu ça !? Elle doit être musclée la madame. Tu crois qu’elle a un harnais invisible !? Et si elle tombe ? » et surtout « Asseyez-vous ! On n’voit rien derrière ! ».

Nous avons retenu cinq spectacles qui nous ont marqués.


Les Vrais Majors. Der Meschenfresser Berg… ou la Montagne – Titre provisoire.

La pièce commence, le metteur en scène fait un petit mot de présentation. Un petit mot qui devient vite long. Pendant que ses acteurs sont en stress concernant des clés de voiture et d’un pantalon resté dans celle-ci. Au début, on se demande si c’est un spectacle foireux, si nous sommes face à des amateurs ou alors si ce sont des génies. Et très vite, on se rend compte que tout est calculé, que leur  maladresse, la gaucherie et gaffes font partie de leur talent. C’est donc l’histoire d’un metteur en scène qui veut adapter un film allemand de 1930 au cinéma. Seulement, il n’a pas beaucoup de moyens et ses acteurs doivent vite remplir différents rôles pour que la pièce tienne la route. Enfin, tout cela n’est qu’une ébauche. Le public est invité à revenir les voir le jour où ils auront les moyens et quand ils auront enfin construit une montagne grandeur nature, lieu principal de la pièce. En attendant, on est confronté à tous les problèmes techniques, aux crises et à la folie de cette troupe. On se demande « mais quand s’arrêteront-ils !? » tout le long. Même après la fin.

http://www.lesvraismajors.be

La Burrasca. Obstinnées.

Le public s’installe dans l’herbe autour d’une immense installation métallique. Mais tout n’a pas l’air prêt. Alors trois charmantes demoiselles vont vite monter le tout pour leur spectacle de trapèze. Seulement, elles vont trébucher, emmêler les câbles et perdre l’équilibre. Une chance, elles arrivent à s’en sortir malgré la tête en bas et qu’elles soient suspendues dans le vide. Deux acrobates talentueuses accompagnées par une merveilleuse musicienne. Un spectacle burlesque fantastique. On ne sait plus où donner de la tête. Entre l’une qui fait des voltiges dans les airs, une autre qui se prépare à faire de même tout en démêlant des cordes et en assurant sa comparse en bougeant toute la structure. Et le tout agrémenté d’une musique enivrante par la troisième artiste qui varie les instruments avec une fausse impéritie mais un vrai don.

https://www.laburrasca.com/

Scopitone et Cie. Cendrillon.

C’est ce que l’on appelle du théâtre objet. Emma Lloyd est une actrice dont la folie va nous faire revivre le conte de Cendrillon avec des objets des tâches ménagères. Eponges, savons, goupillon ou encore un lave-vitre vont devenir les personnages de cette histoires fantastiques racontées par un vinyle. Emma Lloyd est bien installée dans une sorte de poste de télévision et avec énormément de connivence et de jeu avec le public, elle ravit les petits et les grands. Une preuve qu’on peut encore raconter des contes connus et archi-connus en faisant rêver et rire tout le long. Le spectacle est d’autant plus plaisant qu’il est traduit directement en langue des signes.

http://www.scopitoneetcompagnie.com

Chloé Moglia – Rhizome. Aérien.

Une immense structure métallique suspend une corde à sept mètres de haut. Une jeune femme s’élance et grimpe la corde avec délicatesse et grâce. Une fois en haut, elle décroche la corde et reste suspendue à la force de ses bras. Mais que fait-elle ? A partir de ce moment-là, nous sommes tous embarqués dans la poésie de ses mouvements millimétrés. Elle ondule, se courbe et vibre en automate, livrée au vide et à la pesanteur. Le moindre de ses mouvements est une douceur et une exposition de la beauté et la force du corps. A bout de bras, à bout de doigts ou en équilibre à sept mètres de haut, on se laisse porter par cette tendresse. Il manque malheureusement une musique de fond pour s’élever encore plus. Un vrai lyrisme du corps dans le vide. Dans les airs, Chloé Moglia semble comme un poisson dans l’eau.

https://www.rhizome-web.com/spectacle/horizon/

Collectif Merci Larattrape. Ça joue ?

Le spectacle a commencé ou non ? Deux jongleurs nous demandent de continuer à discuter si on le désire. Pendant ce temps, ils finissent vite une partie d’un jeu étrange dont les règles nous échappent un peu. Mais une fois leur partie finie, ils ne vont plus s’arrêter de jongler. Avec des balles et des massues. Celles-ci disparaissent dans les airs, reviennent derrière la tête, le dos, dans les mains, sur les pieds, derrière les jambes. Ça ne s’arrête plus. Ces deux artistes nous offrent une réelle danse de jonglerie avec une grande complicité. On se demande même où se situe la part chorégraphiée et la partie improvisée. Tout le long du spectacle, ils nous montrent leurs spécialités, leurs faiblesses et toujours avec une profonde poésie. Un duo épatant et touchant.

http://www.mercilarattrape.com/

A propos Christophe Mitrugno 62 Articles
Journaliste du Suricate Magazine