Titre : Enfermé
Auteur.ice.s : Julien Hillion et Renan Coquin
Edition : Dargaud
Date de parution : 18 avril 2025
Genre du livre : Roman graphique
Dès le départ, alors qu’on le retrouve voyageant clandestinement dans la cale d’un rafiot, avec ses taches de rousseur et son sourire défiant, Marthurin Réto semble n’avoir peur de rien. Pas plus de l’autorité que de la rudesse du travail de matelot. Alors, l’équipage le garde. S’il est prêt à travailler sans faire de vagues, il peut rester à bord.
Avec Ernest, ce n’est pas tout de suite l’amour fou. Comme Marthurin, le rouquin n’a pas plus de treize ans. Et comme lui, c’est une tête brûlée. Entre les deux gamins, ça fait des étincelles. Mais les coups des marins les rapprochent. Ils deviennent d’abord partenaires contre l’adversité adulte – des ogres aux mains calleuses et imbibés d’alcool – puis partenaire dans le crime. Après un petit larcin, Ernest et Marthurin sont envoyés à la maison de correction Belle-Île-en-Mer, qui n’a de beau que son nom. Marthurin peut rejoindre la section pupille marins, « l’élite de la colonie ». Ernest n’a pas cette chance et finit dans la section agricole qui porte bien son nom. Bruté.
C’est là que la vraie histoire se déploie. Le policier qui introduit Enfermé l’annonce. Mais le lecteur se laisse avoir par un graphisme liquide – une impressionnante maîtrise de l’aquarelle – et un premier chapitre sur les flots. Enfermé n’est pourtant pas un récit d’aventures, comme on pourrait initialement le penser. L’épopée maritime est courte. C’est le milieu de l’incarcération juvénile qui est passé au crible.
À Belle-Île, donc, les meilleurs amis sont séparés. Mais ils partagent toujours le rêve d’accoster sur les terres américaines. Car, même si le sort de Marthurin paraît enviable en comparaison à celui de son camarade, il n’en reste pas moins sujet à la torture. La maison de redressement se révèle être un enfer pour prépubères rasés. Quelle que soit la section. Et pire que les souffrances quotidiennes et la tyrannie des gardiens, il y a le cachot.
En fait, il apparaît très vite que les vrais criminels de l’histoire, ce ne sont pas les jeunes voyous, mais les adultes qui traitent avec autant de cruauté des enfants. Il y a d’un côté les coupables. Et de l’autre le lecteur, témoin d’une histoire vraie qui a déclenché les premières protestations contre ces bagnes pour enfants. Une histoire que Julien Hillion et Renan Coquin transmettent avec émotion et surtout avec un goût pour les belles images, respectant une palette de couleurs sépia qui renforce l’ambiance début vingtième.