
Drome
Scénario : Jesse Lonergan
Dessin : Jesse Lonergan
Éditeur : 404
Date de parution : 18 septembre 2025
Genre : Roman graphique
Au commencement, il n’y a rien. Rien que des dieux facétieux qui s’amusent à lancer sur une terre décharnée et rocailleuse les prémices de la vie. Ils jettent, désinvoltes, des sortes de capsules qui en prenant racine font naître la faune, la flore et l’humanité. Et par humanité, on entend la vie humaine. Car les premiers êtres vivants qui peuplent ces régions arides n’ont rien de compatissant. Au contraire, c’est l’agressivité qui guide tous les échanges.
Alors les dieux envoient parmi ces vies originelles, des forces surnaturelles, à l’apparence presque humaine, capables d’exercer une certaine autorité bénéfique et d’imposer des règles communautaires. Mais le premier homme a avoir éclos est d’un naturel avide et pugnace. Il n’est pas prêt à accepter la soumission. Et pour ne rien arranger, les débuts difficiles de ce monde, s’organisant par la force, sont observés par des dieux égoïstes qui, tapis dans l’ombre de la voie lactée, ne prennent parti ni pour le bien ni pour le mal. S’ensuit un récit palpitant de mythologie, de combats et de trahisons.
Avec Arca et maintenant Drome, on peut raisonnablement penser que l’univers de Jesse Lonergan est nourrit par une réflexion critique sur le devenir de l’humanité. C’est un sujet de prédilection qu’il exploite à l’aide notamment d’analogies philosophiques mais aussi mythiques et mystiques. Dans Drome, on sent bien le poids des références. En divisant son ouvrage en chapitre portant des nom nébuleux comme bleu, jaune, rouge, forme ou esprit, Jesse Lonergan sous-entend d’ailleurs que son œuvre ouvre plusieurs pistes de réflexion. Et que Drome peut s’étendre à de nouvelles compréhensions à chaque relecture.
Il faut dire que l’Américain Jesse Lonergan qui, depuis des années déjà, a fait ses preuves dans l’art de la bande dessinée se surpasse avec cet album quasiment muet. Avec près de 320 pages, la contrainte du silence devient un véritable challenge. Et force est de constater que cela n’enlève rien à la lisibilité du récit. Tout est clair sans être fastidieux. Et si c’est le cas, c’est avant tout parce que l’auteur fait preuve d’ingéniosité dans sa mise en page.
Ingéniosité, le terme est faible. Il réinvente les notions de mise en page qui régissent la bande dessinée occidentale pour en proposer une version qui serait plus axée sur le mouvement. Des formes qui ne sont pas obligatoirement des quadrilatères servent à « encaser » l’image ou à orienter le regard à travers la page. Des lignes blanches ondulent de-ci de-là, pour appuyer le lancer d’une flèche ou la rotation d’un corps. Il y a quelque chose de presque architectural – qui rappelle également l’art du vitrail – dans ces lignes qui tracent et traversent la page.
