Titre : Clamser à Tataouine
Auteur : Raphaël Quenard
Edition: Flammarion
Date de parution : 14 mai 2025
Genre du livre : Roman
On le connaissait comédien et réalisateur, le voilà écrivain. Et comme toujours avec Raphaël Quenard, l’étiquette ne suffit pas. L’homme échappe aux cases, aux formats, aux conventions. Clamser à Tataouine, son premier roman, en est la preuve vive : une œuvre singulière, noire, drôle, dérangeante parfois, mais surtout méticuleusement écrite. Car au-delà du propos, c’est bien dans le style, dans la ciselure des phrases, que l’auteur impressionne.
Chaque mot semble choisi avec soin, pesé pour son rythme, sa sonorité, sa gouaille. Il y a dans cette plume quelque chose de canaille, d’espiègle, presque d’un sale gosse virtuose, qui joue avec la langue comme avec une balle rebondissante : imprévisible, parfois insolente, souvent brillante. Quenard écrit comme il parle : avec une musicalité qui claque et une irrévérence assumée. C’est un texte qui se savoure à haute voix, tant il porte la signature de son auteur.
Le récit, lui, flirte avec l’absurde et le malsain. On suit un homme qui, après une tentative de suicide ratée, décide de célébrer sa survie d’une manière aussi macabre que tordue : en tuant des femmes, une pour chaque catégorie sociale, par un étrange et sinistre « amour » du féminin. Cette logique dérangée, glaçante, est pourtant racontée sur un ton désinvolte, presque badin. Le contraste est déroutant.
Certains passages peuvent heurter, notamment pour la cruauté et cette accumulation de meurtres présentés comme autant d’expérimentations. On peut s’interroger sur cette désinvolture, sur cette esthétisation, même s’il semble évident que le propos n’est pas là pour cautionner quoi que ce soit. C’est précisément ce décalage entre la noirceur du fond et la légèreté du ton qui interroge — et qui, peut être, signe aussi l’empreinte de l’auteur. Quenard ne cherche pas à plaire, il écrit pour jouer, pour vibrer, pour inventer. Et même si l’on peut questionner les choix narratifs, la posture, le regard porté sur les femmes, la force de son style ne fait aucun doute.
Car finalement, c’est l’écriture elle-même le cœur battant du roman. Raphaël Quenard ne cherche pas tant à raconter une histoire qu’à manier le verbe comme une matière vivante, malléable, exubérante. Sa langue claque, son phrasé chaloupe, son rythme est unique. Il y a une joie manifeste à triturer le langage, à lui faire dire l’indicible avec panache. Il y a du panache, de la folie, une vraie personnalité.
Clamser à Tataouine n’est pas un roman sage. C’est un texte décalé, vif, troublant, à l’image de celui qui l’a écrit. Raphaël Quenard signe ici une entrée en littérature qui ne ressemble à aucune autre. Et qu’on l’adore ou qu’on le discute, on ne peut nier la qualité de la plume, ni le plaisir insolent qui transpire de chaque ligne.