Where to Invade Next, USA vs. “Old Europe”

where to invade next poster

Where to Invade Next

de Michael Moore

Documentaire

Avec Michael Moore

Sorti le 8 juin 2016

Nous étions sans nouvelles de Michael Moore depuis son Capitalism : A Love Story en 2009. Il faut dire que, depuis les triomphes de Bowling for Columbine et de Fahrenheit 911, son image avait été quelque peu écornée et sa méthode remise en question à de nombreuses reprises, pas uniquement dans le camp adverse. Il faut en effet accepter que les documentaires qu’il propose soient des brûlots, à la partialité assumée. Et la vision de ce nouveau film que l’on n’attendait plus rappelle tout de même à quel point la « méthode Michael Moore » peut accoucher d’œuvres efficaces, mordantes, et surtout très drôles.

Le film débute par une situation totalement fictionnelle : dépassés par les événements, tous les grands responsables politiques et militaires américains convoquent Michael Moore en urgence pour les aider à redresser la barre et à trouver de nouvelles idées pour la gouvernance du pays. Moore propose d’aller lui-même envahir d’autres pays pour en ramener les bonnes idées, ce qui les fait fonctionner. Le voici donc embarqué dans une longue virée à travers le monde – et surtout l’Europe – armé de sa caméra et de son drapeau américain. De l’Italie à l’Islande, en passant par la Tunisie et l’Allemagne, il va interroger des personnes et des corps de métiers pour comprendre le fonctionnement de cultures politiques différentes de la sienne.

Le procédé n’est pas nouveau, il s’agit de celui de pamphlets satiriques à la manière des Lettres persanes de Montesquieu ou des Voyages de Gulliver de Swift, à savoir la plongée d’un personnage de découvreur naïf dans des cultures totalement neuves pour lui. Moore prend un malin plaisir à endosser le rôle de ce Candide des temps modernes, feignant l’ébahissement et la surprise à chaque fois qu’il découvre un privilège, une liberté ou un plaisir que d’autres considèrent comme acquis mais que lui, en tant qu’américain, regarde comme quelque chose d’inconcevable. Ce choc frontal est ce qui fait le sel comique de toutes les rencontres qu’il orchestre et agence avec une certaine maestria. Il faut le voir demander à des grands patrons italiens s’ils trouvent normal que leurs employés partent en vacances, s’étonner que le chef d’une cantine française n’ait jamais mangé un hamburger de sa vie, ou encore ne pas en revenir qu’un prof de maths finlandais privilégie le bonheur des enfants à la matière.

Ce tour du monde a malgré tout ses limites, puisqu’en fait de tour du monde, c’est plutôt un tour d’Europe que réalise Michael Moore. Le seul pays non-européen visité étant la Tunisie. On peut tirer deux remarques de cette constatation : d’abord que la démonstration de Moore que les USA ont beaucoup à apprendre du reste du monde trouve probablement ses limites dans la réalité puisque peu de pays africains, sud-américains ou même asiatiques semblent avoir de grandes idées démocratiques à proposer ; ensuite que c’est finalement la « vieille Europe » que Moore prend en modèle comme éducateur d’une Amérique sclérosée et campant sur ses positions. Selon lui, la plus grande puissance mondiale devrait donc faire preuve d’humilité et prendre exemple sur un continent à l’expérience politique et à la culture bien plus antiques que les siennes.

Cependant, les petites incohérences, les oublis calculés et les coups de projecteurs sur ce qui appuie son propos font partie de la méthode Michael Moore, dont il ne se cache pas le moins du monde. Par exemple, il ne s’attarde pas sur les problèmes sociaux et économiques qui peuvent exister dans les différents pays qu’il visite, mais ne manque pas de rappeler, au détour d’une phrase en voix-off, qu’ils existent bel et bien. S’il ne s’intéresse pas à ce qui va mal dans les autres pays, c’est parce que son grand sujet est précisément ce qui coince dans le sien. Le film essaye d’apporter des tentatives de solutions à ces problèmes intrinsèques à la société américaine, mais c’est aussi et surtout un manifeste politique. Ce n’est pas un hasard si Moore termine ses pérégrinations par l’Islande, un pays qui s’est sorti de la crise grâce à une banque dirigée par des femmes et qui a instauré une société respectant une parité parfaite. Le démocrate qu’il est soutient ainsi ouvertement la candidature d’Hilary Clinton à la présidence et fait donc un acte militant avec ce film, tout en proposant un véritable programme politique, utopiste dans le contexte américain certes, mais se basant sur des réalités existantes dans d’autres parties du monde.

Cet aspect de propagande totalement assumé n’empêche pas le film d’être aussi drôle qu’instructif. C’est d’ailleurs sa partialité et son jusqu’auboutisme dans la critique de la société américaine qui le rendent parfois hilarant. De la même manière, cette façon de prendre les Etats-Unis comme mètre étalon pour faire la lumière sur les qualités et les acquis sociaux d’autres nations confère au film un intérêt éducatif universel. Alors que pour les Américains, le film sera éclairant sur (une partie de) la situation en Europe, il éclairera les spectateurs européens sur certains aspects de la société et de la politique américaines – l’absence de certains droits et libertés que l’on prend pour acquises –, tout comme il pourra également révéler ou rappeler des réalités européennes – la largesse des congés payés en Italie, l’enseignement progressiste en Finlande,…. Le film est assez didactique et amusant pour intéresser tous les publics, et Moore a donc peut-être réalisé là son film le plus accessible et le plus universel, en partant pourtant – comme toujours – d’une problématique typiquement américaine.

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