Tout ça ne nous rendra pas Noël : quand le Vaudeville essaye de faire réfléchir.

D’Albert Maizel. Mise en scène de Nathalie Uffner. Avec Odile Matthieu, Fred Nyssen,Thibaut Neve, Bwanga Pilipili, Pierre Lafleur, Thibault Packeu. Du 12 janvier au 5 février 2022 au Théâtre de la Toison d’Or (TTO).

Un réveillon de Noël d’une famille recomposée. On y verra d’anciens amis, certains heureux d’être là et d’autres pas du tout. Dans les cadeaux piochés aux hasards par les invités, il y a la bande-dessinée Tintin au Congo, ce qui va faire déraper la soirée. Mais tout finira bien.

Voilà. C’est comme ça que la pièce nous est présentée. À partir de là, on ne peut s’attendre qu’à de belles réflexions autour de la polémique du racisme, des traditions, de Noël peut-être, des relations familiales sûrement. Si l’idée donne envie et crée une impatience réflective, nous n’en serons pas forcément comblés. Nous n’allons pas vivre des discussions ouvrant sur une réflexion philosophique, sur un débat ou autres partages de pensées. Non. Il s’agira essentiellement d’idées bien précises qui seront imposées sur la table. Tantôt avec moquerie et à d’autres moments en recherche de déculpabilisation.

Tout ça ne nous rendra pas Noël s’ouvre sur un magnifique décor. Une cuisine de riche où toutes les discussions des protagonistes se dérouleront. Les personnages vont entrer en scène et présenter la trame à tour de rôle. Et quels personnages ! Nous serons confrontés à des clichés bruxellois hauts en couleurs. En commençant par un rockeur raté et paumé provenant des Marolles, en passant par une belle-mère hystérique en quête de sens à sa vie, d’un jeune étudiant prolongeant sa crise d’adolescence aussi désagréable que possible jusqu’au bourgeois de Uccle voulant se racheter une conscience en confondant toutes les allégories bobos et progressistes possibles.

Très rapidement, nous devons laisser de côté la simple comédie dramatique ou la représentation vivante d’un quotidien belge. Nous sommes dans une sorte de Revue. Les personnages sont exagérés et burlesques. Ils sont tellement loin dans leur représentation qu’ils en deviennent tous terriblement exaspérants. Chacun horripile par ses propos ou son comportement.

On nous expose les souvenirs familiaux. L’histoire démarre sur le décès d’un grand-père, ce qui devient prétexte à se retrouver ce 24 décembre. On déterre les anciennes querelles, on fausse sur certaines promesses et on tire la couverture à qui sera le plus ridicule dans sa poursuite d’une meilleure vie.

Mais quand arriverons-nous à la question exposée dans la présentation de la pièce ? Quand est-ce que Tintin au Congo fera son entrée ? Il faudra attendre les deux tiers de l’histoire pour espérer y apercevoir une page. Mais non. Faux espoir ! Il n’y a toujours pas de réflexion. Seulement des apparences d’ouvertures d’esprit. Et plus les personnages discutent sérieusement, plus ils en deviennent énervants. Bwanga Pilipili, jouant la nouvelle compagne de Thibaut Neve, est la femme noire confrontée à la bande-dessinée. On s’accroche tout d’abord à son personnage comme une bouée de secours au milieu de tous ces ploucs. Mais c’est sûrement la pire.

Et quand enfin le débat sur le sujet du titre arrive, on peut cocher toutes les cases du cliché et du déjà-vu. Nous n’avons malheureusement rien de nouveau dans la réflexion. Ce sont les mêmes remarques que l’on se faisait, il y a longtemps.

Nous ne savons pas comment nous situer au milieu de ce réveillon. Que faire de cette famille bourgeoise qui se vante d’être de gauche au milieu de leurs métiers de riches et leurs réflexions conservatrices dissimulées sous des propos réformistes ?

Le père, joué par Pierre Lafleur, est peut-être le moins dérangeant. Malgré son horrible travail et quelques-uns de ses propos, il exprime à certains moments une forme de sympathie.

Cerise sur le gâteau, comme pour nettoyer les dernières culpabilités que pouvaient offrir l’histoire et les dialogues, nous avons droit à un happy-ending pas du tout crédible. On roule des yeux jusque dans nos talons. On aurait tellement espérer que tout explose, qu’il y a de la réelle dispute, des bagarres, des châteaux de cartes qui s’effondrent et des rêves qui se brisent. Non. Nous sommes bien loin de la réalité. Contrairement à ce qu’on nous vend, ce spectacle ne ressemble pas du tout à la vraie vie.

Après les applaudissements, nous restons quelques secondes sur notre siège. Que venons-nous de voir ? Une tentative de pièce nouvelle génération exposant les idées progressistes qui se murmurent en famille ? Ou alors un spectacle loufoque et totalement caricatural qui déborde tellement de parodies qu’il ne faut y voir absolument aucune seconde de sérieux ?

Les groupes de spectateurs discutent rapidement et partagent leurs ressentis. Les personnes les plus âgées complimenteront joyeusement, tandis que les plus jeunes ne voudront pas émettre d’avis, juste quelques dénominations comme « boomers » ou « vieux réac’ » et « pseudo-woke ». On espère simplement ne jamais croiser ces personnages et qu’ils puissent tous chuter de leur tour de pognon, celui-ci étant la solution à absolument tous leurs problèmes.

A propos Christophe Mitrugno 62 Articles
Journaliste du Suricate Magazine