The Big Sick, la nuance d’une histoire vraie

The Big Sick

de Michael Showalter

Comédie, Romance

Avec Kumail Nanjiani, Zoe Kazan, Holly Hunter

Sorti le 9 août 2017

Ce n’est pas parce qu’une histoire est vraie qu’elle fera nécessairement un bon film. Les aléas de la vie ne se prête pas toujours à la fiction, et trop souvent amènent à des œuvres qui, sous le prétexte, de raconter les événements avec fidélité, se vautre dans un récit fade et mal structuré. Il est dès lors particulièrement plaisant — et surprenant —  lorsqu’un film basé sur une histoire vraie parvient à être aussi sincère, drôle et prenant que le dernier film de Michael Showalter, The Big Sick.

La réussite du film peut en large partie être attribuée aux scénaristes du film, Kumail Nanjiani et Emily V. Gordon. Il ne nous raconte pourtant rien d’autre que l’histoire de leur relation, mais le fait avec une absence d’indulgence, une simplicité et une subtilité d’écriture qui les démarquent de la grande majorité des comédies romantiques. Ils ont aussi « l’avantage » d’avoir vécu une romance riche en rebondissements  : problèmes professionnels, conflit culturel et maladie mortelle pour n’en citer que quelques-uns.

Leur rencontre en elle-même démarre dans un climat amical. Emily (Zoe Kazan), jeune psychologue, crie son encouragement au milieu du numéro stand-up de Kumail ; il est décontenancé par son intervention, elle est curieuse, et quelques conversations plus tard, il est clair que le courant qui passe entre eux est fort. Les séquences qui suivent mettent en scène l’évolution de leur couple  : leur refus de s’engager malgré leur affection l’un pour l’autre, leurs idiosyncrasies qui surgissent au quotidien, etc.. Le film est riche en petites anecdotes charmantes qui contribuent à nous faire croire en leur relation. Kumail et Emily ressemblent plus à des personnes que l’on pourrait connaître dans la vie de tous les jours qu’à des personnages stéréotypés de comédie romantique.

Leur idylle atteint cependant une impasse au bout de quelques mois. Le jeune comédien cache en effet à ses parents l’existence de cette petite amie blanche de peau. Incapable de leur avouer qu’il ne se mariera probablement pas avec une Pakistanaise (un futur au sujet duquel ils sont intransigeants), il ment à tout le monde et provoque incidemment la rupture de son couple. Comme tant d’autres personnes dont les parents ont immigré aux États-Unis, il est partagé entre une séduisante culture américaine et les traditions imposées par sa famille.

La difficulté de trouver sa liberté et son identité dans ces conditions avait déjà été abordée dans l’excellente série Netflix d’Aziz Ansari, Master of None, et c’est un équilibre similaire entre empathie et humour que The Big Sick parvient à trouver pour explorer le sujet. L’idée est toujours de porter un regard humain sur la question, sans tomber dans la caricature outrancière ou dans l’édulcoloration. Lorsque la mère de Kumail fait venir «  par hasard  » de jeunes femmes célibataires les soirs où son fils se trouve chez eux, c’est avec gentillesse que le film se moque d’elle, en mettant en avant à la fois ses principes étriqués, mais également ses bonnes intentions.

Le plus souvent, le film balance entre humour et drame – une dynamique adéquate compte tenu de la tournure qui prend le second acte. Emily tombe malade, et voilà Kumail confronté à la possibilité qu’une personne qu’il a aimée et blessée puisse mourir. Incidemment, il doit aussi faire face aux parents de celle-ci. Il est préférable de ne pas en dire plus pour ne pas gâcher certains de ses événements, mais il faut saluer la manière dont le film n’essaie pas d’obtenir le rire ou la larme facile, préférant jouer avec sincérité sur le mélange d’effroi, de gêne et de camaraderie qu’une telle situation peut provoquer.

Malheureusement, la mise en scène du film n’est pas tout à fait la hauteur des qualités d’écriture du film. Michael Showalter filme The Big Sick comme tant d’autres comédies indépendantes, déployant une esthétique adéquate, mais un brin banal. Il ne fait pas de grossière erreur, mais le tout est exécuté sans brio. Il se démarque beaucoup plus en tant que directeur d’acteurs, tirant de chacun de ses interprètes de mémorables et hilarantes performances.

On notera à cet effet les multiples numéros de stand-up qui parcourent le film, joué par des comédiens qui puisent allègrement dans le matériel qu’ils ont eux-mêmes proposé sur scène par le passé. L’authenticité que revêt leur routine doit tout à ce choix. Qu’il s’agisse des joies et peurs ressenties dans les coulisses d’un comedy club ou de l’éprouvante angoisse d’une salle d’attente d’hôpital, The Big Sick possède une justesse et un sens de l’anecdote qui ne peut venir que d’une profonde familiarité avec ces lieux et ces émotions. Être une histoire vraie n’est pas le plus grand défaut de The Big Sick, c’est son meilleur atout.

A propos Adrien Corbeel 46 Articles
Journaliste du Suricate Magazine

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  1. The Big Sick de Michael Showalter | Critique – Surimpressions

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