
Starman
Scénario : Reinhard Kleist
Dessin : Reinhard Kleist
Éditeur : Casterman
Date de parution : 24 septembre 2025
Genre : Roman graphique
Après Johnny Cash et Nick Cave, c’est à David Bowie que Reinhard Kleist envisage de se consacrer. Un bel hommage que le bédéaste colognais rend au musicien anglais le plus Berliner.
David Bowie est un ovni. Un être hybride au croisement des cultures. Né dans une famille conservatrice de Brixton, le jeune David s’émancipe à l’aube de la conquête spatiale. Avec Space Oddity qui le propulse dans les étoiles, Bowie est l’icône d’une génération à la fois désolée et pleine d’espoir. Les choses doivent changer ! La révolte s’habille de couleurs et de pièces affranchies des normes genrées. Elle arrive aux oreilles de ceux qui l’écoutent en une cadence expérimentale, qui sonne presque comme une incantation.
« Fame makes a man take things over. Fame lets him lose hard to swallow ».
David Bowie.
David qui, à l’époque, se fait appeler Ziggy Stardust, tombe, petit à petit, dans l’abîme. Lui, qui rêvait de toucher les étoiles, s’effondre dans la poussière. Sa plus grande menace n’est pas l’insuccès, mais lui-même. Il ne supporte plus le rythme qu’il s’impose à Los Angeles où il a déménagé. Déchu, dans la ville des anges, il s’envole pour le Berlin-Est, dont il devient un symbole.
C’est à ce parcours hors du commun que Reinhard Kleist rend hommage. Et l’auteur n’est pas avare de détails. C’est un périple qui traverse les affres de la vie d’une star torturée : les doutes, les amitiés, les amours, la paternité, mais aussi la schizophrénie. On y observe les prémices d’une amitié entre le chanteur aux yeux « vairons » et son alter-égo Iggy Pop. On compatit avec Angela Bowie qui, dans l’ombre de son mari, perd pied. Et surtout, on intègre le milieu impitoyable du show-biz. Une zone de guerre où chacun tire pour gagner. Starman, c’est un hymne à la coke, la dépravation, l’inconscience et à la liberté.
Reinhard Kleist assume la direction artistique de son album. Starman doit être à la hauteur de l’excentricité de Bowie. Et pour cause, Starman est une explosion de couleurs, aux nuances pop, dont l’auteur puise l’inspiration dans l’univers du comics américain. Kleist ne cache pas ses références. Dès les premières pages, il est question d’une fin du monde que seul peut éviter le pouvoir de la musique et sa figure messianique. Tel Superman. Dans l’imaginaire de l’auteur allemand, Bowie s’encape pour mieux survoler le monde.
L’autre référence, c’est bien sur celle de l’univers spatiale. Un astronaute semble hanter le chanteur pour lui rappeler de garder les pieds sur terre. Bowie est un extraterrestre, avec sa coupe mulet d’un rouge sang et ses épaulettes extravagantes. Quand il chante, il s’envole. Une symbolique très à propos pour celui qui accompagnera en musique les premiers pas sur la lune.
Mais l’épopée est longue. Les 300 pages, avec leurs dialogues serrés, n’atteignent pas la vitesse de la lumière. Kleist s’attaque à une figure emblématique dont chaque souvenir semble essentiel pour raconter l’époque. Mais parfois, les échanges se répètent. La chute est ressassée. Les flash-back nombreux. Même si l’univers de Kleist, son dessin saturé et ses cadrages fantasques, rendent le propos dynamique, il n’en est pas moins, peut-être, un peu bavard. Du moins pour celui qui n’a pas grandi aux côtés de Bowie.
