Sexplay nos panthères nos joyaux : quand aimer devient pronominal

De et avec Camille Husson. Mise en scène de Camille Husson et Marion Lory. Du 14 octobre au 30 octobre 2020 au Théâtre des Riches Claires. Crédit photo : Alice Piemme/AML

De génération en génération, à travers le temps et la norme, rien ne demeure figé. La sexualité ne fait pas exception. D’une société patriarcale qui prône le plaisir de l’homme en excluant celui de la femme, nous en sommes désormais à une société plus libre, mais pas totalement libérée encore. L’homme est encore fort présent au centre des attentions et la femme peine à s’y faire une place. Alors que penser de cette société qui accepte la sexualisation de la femme, mais pas sa sexualité ?  Et que dire de ceux qui, plus encore, s’éloignent de la norme ? Nous en arrivons à la notion même de plaisir. N’en existe-t-il qu’une seule forme ? Chaque corps possède-t-il les mêmes terminaisons nerveuses, les mêmes zones érogènes, les mêmes sensibilités ? A travers Sexplay nos panthères nos joyaux, Camille Husson, seule en scène, semble dénoncer l’obligation de la norme et nous donner une réponse ferme et franche : le plaisir est là où nous voulons qu’il soit, si tant est que nous nous autorisions à nous y rendre.

Sur une scène nue de décor, habillée uniquement d’ingénieux jeux de lumières, l’actrice évolue au gré de son autofiction. Le fil rouge de son propre vécu nous guide à travers son imaginaire. La sobriété de la présentation nous ramène à l’essentiel. Mais elle semble également nous crier de ne pas détourner les yeux, de nous confronter à cet essentiel qu’est le plaisir. Si quelques bafouilles viennent entacher la représentation, nous les lui pardonnons bien volontiers tant l’histoire, avec ses traits d’humour bienvenus, nous passionne et nous entraine avec elle. Par ailleurs, au gré de son histoire, la comédienne nous enseigne. Saviez-vous que le terme « paraphilie » vient des termes grecs para- « auprès de, à côté de » et -philia « amour » ? Saviez-vous qu’il existe des dizaines et des dizaines de paraphilies, et donc de manières d’aimer, en dehors de la norme ? Camille, elle, le sait. Elle nous entraine alors à ses côtés sur la voie du questionnement. Elle nous place face à nous-mêmes et semble nous demander « et vous, comment aimez-vous ? Quelles sont vos limites ? Quelles sont vos failles et vos dérives ? ». Mais la comédienne ne se contente pas d’expliquer et d’exprimer, à travers ses mots et ses gestes, dans une sensualité contextuelle, elle raconte.

L’histoire débute sur une Camille heureuse. Elle est jeune encore et sur la plage de ses souvenirs, elle évoque une première rencontre du plaisir. De fil en aiguille, la petite fille grandit, fait des rencontres, explore la forêt de ses désirs en compagnie de sa fidèle panthère. Camille n’a pas la langue dans sa poche, elle préfère la glisser au creux de nos oreilles pour nous inviter à partager son intimité. Elle n’est pourtant pas différente de la norme, elle en est même une superbe représentante, mais elle est curieuse, voyageuse, libre de ses désirs et de ses passions. « Comme chacun d’entre vous », semble-t-elle nous dire. Cette liberté est d’autant plus criante lorsqu’au détour d’une rencontre, elle se retrouve bafouée. « J’avais dit non !! », nous crie Camille. Mais elle poursuit sa route, toujours libre, toujours ivre de désir. Sur son chemin pourtant, un obstacle se dresse constamment : le regard des autres. Néanmoins, la jeune femme n’a pas honte. Elle n’arrête jamais de chercher son plaisir, de profiter de son corps comme bon lui semble. Nous recevons cette résilience comme un message, un message qui nous dit de ne pas nous arrêter aux autres, de ne pas juger non plus, un message de respect et d’amour, un message de liberté.

Sexe, désir et plaisir ne sont pas des gros mots, ils en sont même bien loin. La sexualité peut certes choquer, effrayer, mais elle peut également faire grandir, responsabiliser, divertir… L’essentiel étant que la nôtre soit telle que nous la concevons, et pas autrement. Voilà l’idée que nous retirons de cette pièce captivante. Si ce message peut choquer les plus jeunes et bouleverser les plus prudes, il est néanmoins essentiel selon nous d’entendre cette vérité. Et que demander de plus que de l’entendre avec humour de la bouche avisée de Camille Husson ?