Seule la terre, passion champêtre

Seule la terre

de Francis Lee

Drame, Romance

Avec Josh O’Connor, Alec Secareanu, Gemma Jones

Sorti le 21 mars 2018

Johnny Saxby (Josh O’Connor) habite le Yorkshire avec son père et sa grand-mère. Alors que la saison de l’agnelage approche, sa famille engage un saisonnier roumain, Gheorghe Ionescu (Alec Secăreanu), pour aider à la ferme. D’abord méfiant face à ce dernier, Johnny finira par se prendre d’affection pour lui et une passion naîtra entre les deux hommes.

Seule la terre, premier film du réalisateur Francis Lee, s’est déjà vu gratifier de plusieurs prix : à Sundance, au festival de Dinard ou encore aux British Independant Film Awards. Et on se demande bien pourquoi…

Johnny est un garçon perturbé, autodestructeur et alcoolique. L’arrivée de Gheorghe provoquera un renforcement de son mal-être : si lui ne semble pas accepter son destin, Gheorghe montrera un savoir-faire et une intelligence qui seront de nature à polariser leur relation. Présenté comme cela, Seule la terre donne l’impression de donner corps à des personnages riches. Cependant l’un des principaux problèmes du long métrage semble justement résider dans un manque de développement de ses protagonistes. Ou du moins dans une construction trop manichéenne de ceux-ci : Johnny passe sans raison d’un état à l’autre. Un moment il qualifie sans arrêt Gheorghe de gitan, le moment d’après il court le rejoindre au coin du feu afin de forcer l’intimité. Si l’on pourra expliquer cela par le caractère perturbé de celui-ci, la chose est cependant mal exposée et les changements d’humeur répétés de Johnny apparaîtront alors comme totalement forcés dans le seul but d’arriver à un point précis de l’intrigue. On dirait dès lors que le réalisateur Francis Lee cherche à remplir un cahier des charges : ils se détestent, ils s’aiment, l’un vient en aide à l’autre, une prise de conscience naît, etc.

Aucune subtilité ne transparait réellement dans l’écriture et aucune évolution visible ne semble apparaître chez les personnages. À cela s’ajoutent des transitions trop rapides : un moment ils se battent, celui d’après ils prennent un bain ensemble. Le tout porté par une réalisation tout ce qu’il y a de plus banale et une musique inexistante. À se demander si les nombreux prix décernés à Seule la terre ne seraient pas le fruit d’une forme de bien-pensance visant à honorer un cinéma d’auteur à tout prix, sans tenir compte des réelles qualités intrinsèques des films en compétition.

Si son scénario aura de quoi rappeler le célèbre Brokeback Mountain et qu’on pourra se régaler des magnifiques paysages portés à l’écran, Seule la terre est bien loin du monument d’Ang Lee, que ce soit dans son traitement ou dans son esthétique. Celui-ci adopte en effet une imagerie plus crue, tant dans les scènes d’intimité physique que dans la représentation très réaliste du monde agricole (âmes sensibles s’abstenir, on verra notamment Gheorghe dépecer un agneau). Si la chose est en soit gage d’une certaine originalité, cela ne suffit pas à faire de Seule la terre un film mémorable ou même un tant soit peu agréable à regarder.