Rétrospective Apichatpong Weerasethakul – Courts métrages

Rétrospective / Exposition / Performance Apichatpong Weerasethakul

Du 12 avril au 29 mai 2016

Kunstenfestivalarts et Cinéma Galeries, Galerie de la Reine 26 – 1000 Bruxelles

Dans la rétrospective consacrée au travail d’Apichatpong Weerasethakul, le cinéma Galeries a présenté mercredi passé la première séance dédiée aux courts et aux moyens métrages du cinéaste et vidéaste thaïlandais. Présentés sans ordre ni chronologie précise, ces films aux longueurs aléatoires – cela va de deux minutes à près d’une heure – apparaissent plus que jamais comme inclassables dans une optique d’identification de ce qui appartient au domaine du cinéma ou de l’installation muséale. Ce flou, cet équilibre instable, est ce qui fait la beauté des films et de l’expérience de leur vision, mais cela rend également très compliqué le fait d’en parler dans le cadre d’un texte critique ou descriptif.

Dans les huit films présentés lors de la première partie de cette collection de courts métrages, certains sont essentiellement des expérimentations formelles sur le montage et le son, ainsi – pour l’un d’entre eux – que sur l’animation. On s’attardera plutôt ici sur les films plus narratifs – si l’on peut les qualifier de la sorte – et plus particulièrement sur trois d’entre eux.

Haunted Houses (2001)

Utilisant la même méthode que pour son premier long métrage, Mysterious Object at Noon, à savoir celle du cadavre exquis, le réalisateur demande à des familles de villageois de rejouer des scènes d’un soap thaïlandais. Le scénario de ce moyen métrage (environ 60 minutes) est donc la retranscription exacte de deux épisodes de cette série. Chaque famille joue une ou quelques scènes, un même  rôle étant donc endossé successivement par plusieurs acteurs non-professionnels, ce qui crée une perte de repères chez le spectateur. Weerasethakul joue également sur le décalage entre les décors fastueux et le milieu social plus qu’aisé décrit par le scénario et la pauvreté des personnes et des maisons qu’il filme. Haunted Houses amène de manière détournée et subtile, uniquement par son procédé, vers une critique assez cinglante de la société thaïlandaise et de la marge énorme qui existe entre la condition de vie des gens et les programmes télés qui leur sont assénés comme une vie de remplacement.

Vapour (2015)

Dans Vapour, le cinéaste filme l’envahissement de son village (Toongha, dans la région de Mae Ram) par les nuages durant une journée. Cette fumée fantomatique dissimule à peine les tentions sociales qui règnent dans la région, en proie à des problèmes de gestion des terres depuis plus de soixante ans. Encore une fois, Apichatpong Weerasethakul évoque les problèmes politiques sans les aborder de front mais touche à une vérité de la situation, à travers une poétique des images et une transcendance de la réalité.

Emerald (2007)

Le dispositif d’Emerald est plus ou moins le même que pour Vapour : transcender un lieu par des images aux confins de la réalité et de la rêverie, pour mieux en extraire le substrat de réalité. Il s’agit ici d’un hôtel à l’abandon, vestige d’une époque révolue de la société thaïlandaise et porteur d’une mémoire collective des lieux. Trois voix-off accompagnes les images « surréelles » du film, racontant des souvenirs et récitant des poèmes d’amour.

À travers cette première salve de courts métrages, il apparaît clairement que Weerasethakul, au-delà de son travail de plasticien, invoque sans cesse une dimension de critique sociale qui n’est peut-être pas décelable de prime abord dans son œuvre mais qui s’impose de manière probablement bien plus forte que chez des cinéastes plus frontaux, qui abordent des sujets à bras le corps. Apichatpong Weerasethakul propose des images, des rêveries déambulatoires, mais son sujet demeure toujours, en filigranes, son pays. Nous continuerons donc d’observer cela à l’occasion de prochaines projections de cette belle rétrospective.

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