Rencontre avec Kadebostany

En novembre dernier, on vous annonçait la sortie imminente du deuxième album de Kadebostany, intitulé Pop Collection. (voir notre chronique).

Cette fois-ci, c’est chose faite, l’album est en effet disponible sur notre territoire depuis une poignée d’heures.

De passage à la capitale pour la promo de ce deuxième album et pour un concert à la Maison Du Peuple de St. Gilles, le collectif a accepté de rencontrer le Suricate Magazine et de répondre à quelques unes de nos questions.

Comment est né le projet Kadebostany ? Comment vous êtes vous rencontrés ?

Kadebostan : Alors, moi j’ai une carrière en solo sous le nom de Kadebostan et, en 2008 (j’ai beaucoup tourné tout seul avant), je me suis demandé comment je pourrais élargir mes horizons et puis repousser ma vision artistique. Et donc tout à coup, j’ai eu l’idée de créer un pays qui s’appelle donc la République de Kadebostanie. Ce pays me permet vraiment d’assouvir toutes mes envies et puis d’aller hyper loin artistiquement.

Très rapidement, en 10-15 minutes, toutes les idées, toutes les bases du concept se sont venues, comme ça, avec les uniformes, la manière de communiquer, … C’est allé très vite. Et puis depuis 2008, on a sorti deux disques. Le premier disque s’appelle Songs from Kadebostany. C’est un disque qui est un peu plus expérimental et électronique qui conceptuellement, représente pour moi plus le folklore kadebostanien. Et puis ce nouveau disque, qui s’appelle Pop Collection qui lui est plutôt porté sur tout les hits pops qui passent sur la radio kadebostanienne. Donc voilà, toute cette création et la création du pays me permet, si tu veux, d’avoir une cohérence, en disant « ben voilà, il y a la création du pays, il y a le président, il y a ses ambassadeurs, il y a le premier disque plutôt axé sur le folklore, le deuxième est axé sur la pop kadebostanienne. »

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Et si je ne me trompe pas, Amina a rejoint la formation pour le deuxième album, il y a combien de temps ?

Amina : il y a deux ans que je fais partie du groupe, j’étais pas sur le premier album.

Kadebostan : c’est une rencontre ; en fait je suis rentré dans un club Kadebostanien où Amina avait ses habitudes de chanter et puis j’ai vraiment été charmé par sa voix et je me suis dit « elle a une voix qui peut aller dans différents registres » et pour moi, c’était la voix idéale par rapport à la musique kadebostanienne. Parce qu’on a plein d’univers différents dans cet album. Cela peut aller de la soul au hip hop en passant par l’électro et le rock. Et du coup, il fallait une voix qui pouvait aller dans tous ces registres et en même temps que ce soit vraiment naturel et assumé. Donc, en entendant sa voix, c’est devenu une évidence qu’elle serait la voix pour représenter la Kadebostanie.

Quelles sont vos influences musicales ? Qu’est ce qui vous inspire musicalement ?

Kadebostan : Je crois que c’est à peu près tout, on est de cette génération qui peut aller aussi bien voir un concerto de musique classique, et puis le lendemain aller dans une soirée techno, et puis le surlendemain aller voir un concert de rock,… Tout ça, c’est vraiment symptomatique de notre génération. Du coup, dans notre manière d’écrire, de composer, de créer, je crois que ça se ressent.

Et puis nous n’avions vraiment pas envie de rester, de s’enfermer dans un style en particulier. .. Au même titre que la création de ce pays nous permet de ne pas faire uniquement que de la musique mais aussi de travailler sur l’univers, de travailler sur la danse, sur des visuels, … Voilà, c’est une envie d’aller explorer plein de choses, d’explorer plein de territoires. Pour nous, c’est tout naturel de se laisser aller, de pas se mettre de frontières.

Si vous deviez décrire la Kadebostanie en quelques mots pour nos lecteurs ?

Amina : Ce serait difficile de la décrire en quelques mots, parce que du coup ça la réduirait aussi. Mais pour te donner une piste, sur les billets de banque, il y a une phrase qui dit « Research and Discovery ». Et en fait, ça décrit bien l’ambiance dans laquelle on évolue c’est-à-dire que la musique est au centre du pays. On est aussi dans une entreprise dans le sens où on se dit que notre idée à nous c’est de tâtonner, d’essayer des choses. A partir de là, tout d’un coup, il y a une pépite qui peut naitre. En résumé, voilà un moyen d’approcher la Kadebostanie. Mais le meilleur moyen de la comprendre, ce serait d’y vivre.

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Et c’est situé où ? Qu’on fasse nos valises …

K : Alors, c’est au nord de l’Italie, à l’est de la Suisse et a l’Ouest de la Turquie.

Et donc, il y a aussi des influences musicales des pays frontaliers ?

K : exactement !

Et donc la culture en Kadebostanie, c’est un aspect important ?

A : La musique surtout

K : C’est le propos, c’est la base de votre réflexion, et on est avant tout des artistes et quand certaines personnes nous demande : « Quel est le régime politique ? » , On aime bien dire que c’est une république. Après nous jouons avec plein de codes différents. Mais les fondements de tout ça, c’est quand même la musique et l’art en général.

Et comme tout pays, vous avez un hymne national?

A : On en a déjà un, sur le première album. D’ailleurs, on le retrouve dans le show. Cela s’appelle « The national … »

K : Et elle est joué la main sur le cœur et les yeux rivés vers le ciel, et on la joue à chaque fois. C’est notre rituel.

Pourquoi un président autoproclamé ? Tu avais peur de devoir faire des élections ?

K : J’aime bien dépasser les limites et pousser toutes les idées reçues, j’aime bien utiliser certaines fois des clichés, j’aime aussi la subtilité, j’aime plein de choses… Et puis j’ai créé ce pays, et comme je disais tout à l’heure, le propos c’est bien entendu la musique et l’art, j’ai pas envie de me lancer en politique. Mais pour moi, dans la musique, tu peux faire des parallèles.Par exemple, dans un groupe de musique, pour moi tu peux retrouver un certain mode de gouvernement. Il y a toujours un leader, des gens qui sont plutôt là pour effectuer le travail, et je pense qu’un bon groupe, c’est un peu comme dans la société, il y a différente personnes…

Des castes ?

K : Pas des castes, parce que je trouve que les castes, c’est assez négatif, mais une certaine hiérarchie, différentes fonctions,… Et un bon groupe est composé de plein de gens qui sont hiérarchisés quelque part, et c’est les éléments essentiels à toute démarche artistique.

Mais sérieusement, où t’es venu l’idée de créer ce pays ? Tu as déjà partiellement répondu, mais comment tu es venu à penser : Je vais créer un pays ?

K : je pense que ça fait partie de moi. On peut chercher à tout expliquer, mais après, il y a plein de choses en moi, que je peux analyser avec le temps, mais qui font quand même partie du domaine privé. Et puis je ne voudrais pas donner toutes ces pistes comme ça parce que j’aime bien le côté mystérieux. J’aime aussi que petit à petit, les gens qui veulent gratter trouvent des choses. Il y a toujours des indices dans la musique, dans les visuels, dans les titres, … Mais je trouve ça beaucoup plus puissant quelque chose qui est mystérieux, qui attise la curiosité plutôt que de donner des explications toute faites, précises…

A : puis il y a aussi le fait qu’on veut s’affranchir des limites, des frontières aussi.

K : Oui, c’est vrai. Moi j’aime bien m’affranchir du pays dans lequel je vis, en l’occurrence, c’est la Suisse. Mais pour nous, notre territoire, notre terrain de jeux, c’est le monde. Et la musique n’a aucune barrière, n’a aucune limite. Une des explications aussi pourrait être aussi de dire que c’est s’affranchir du passé et puis d’écrire notre propre histoire. Voilà, c’est une des explications, après il y en a plein.

Avec autant de mouvement dans le groupe, les cuivres, la voix pop d’Amina et les sons électros, comment est-ce que vous créez ? Comment se passe le processus de création ?

K : Cela se passe principalement à deux. Amina écrit les textes et puis elle chante. Moi je suis compositeur. Ca part vraiment de nous deux, et puis après ça évolue, mais le travail se fait principalement à deux.

Il y a une rumeur qui circule qui voudrait que Kadebostany participe à l’Eurovision… Est-ce que c’est vrai, d’une part ? Et est-ce que pour vous l’Eurovision, ce serait une reconnaissance ?

K : C’est exactement ce que j’aime : quand il y a des rumeurs comme celle-ci qui naissent, des choses qui circulent comme ça… Parfois cela vient de nous, puis parfois pas du tout. Et puis je ne suis pas vraiment au courant de cette rumeur. Mais le fait d’avoir créé ce pays et cet univers en tant que musicien te permet de faire énormément de choses sans porter préjudice à ton image. Parce que pour finir, si on faisait l’Eurovision, pourquoi pas… On est un pays, on est une République, et en tant que telle on pourrait y participer.

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Et ce serait une reconnaissance pour vous, en tant qu’artiste ?

K : On ne fonctionne pas comme ça. On passe autant dans des revues comme Marie-Claire, que dans des revues plus spécialisées comme les Inrockuptibles. On a la chance de toucher un public très large et varié, sans devoir faire aucune concession artistique. Et du coup, on est aussi bien diffusé par France Inter que par des radios plus généralistes. La force de cette création, de ce groupe, c’est de toucher un public hyper large. Donc, si l’Eurovision nous permettait de jouer notre musique devant une audience très large, sans faire aucune concessions artistiques bien entendus, et bien pourquoi pas… Et oui, ce serait une opportunité incroyable pour nous.

Ca commence assez fort pour la formation Kadebostany, avec un deuxième album pour le président, et un premier pour la formation en tant que telle… Quels sont vos projets pour la suite ? Tournée, festivals ?

K : Grosse grosse tournée ! On tourne déjà depuis septembre dernier et puis on arrête pas pour le moment, on explore plein de pays,… En somme principalement la tournée, après il y a plein de choses sur lesquelles on est en train de travailler et puis on ne va pas forcément tout dévoiler non plus mais on a un gros show qui tourne quoi. C’est pas juste de la musique, c’est aussi des visuels, et c’est une grosse entreprise, et ça nous tient vraiment à cœur. Donc ça nous prend beaucoup d’énergie… Dans l’immédiat, c’est ça notre projet : la tournée, et jouer devant un maximum de gens.

Il y a un titre de Kadebostany, que vous n’avez d’ailleurs pas repris sur l’album, mais qui attise la curiosité, c’est une reprise de Beyoncé, Crazy in love… Qui est fan de Beyoncé ? Comment ça vous est venu de faire cette reprise ? C’est assez inattendu…

K : en fait on cherchait à faire une cover. Puis c’est venu comme ça, un jour on s’est dit « tient, si on essayait crazy in love de Beyoncé ? ». On s’est retrouvé en studio tous les deux et c’était parti.

A : Parce que c’est un morceau que tout le monde connait aussi et qu’il y a quand même du bon dans ce morceau. Il manie autant le rap que le chant… Et pour la petite anecdote, Beyoncé était venue chez nous en Kadebostanie faire un grand concert, et du coup pour la remercier, on a fait une cover…

K : En fait, il n’y a pas eu vraiment de plan par rapport a ce morceau, on s’est retrouvé, on a travaillé dessus, on a passé une matinée dessus, on a relevé la tête, et on a écouté et puis on s’est dit « waw », on avait des frissons comme ça. Du coup, on s’est dit, terminons le morceau, sortons-le, et puis les gens ont très bien accueilli ce morceau.

Y-a-il un endroit où vous rêveriez de jouer ?

A : Sous l’eau !!

K : Je pense qu’au même titre qu’on est diffusé dans pleins d’endroit différents, on joue dans des endroits très différents. Par exemple, hier, on jouait à Groningen, dans un endroit qui s’appelle le Grand Théâtre. C’ est une énorme salle, devant un public nombreux. Ce soir on joue dans un endroit beaucoup plus petit, mais où d’après moi, il y a quelque chose de chaud qui se passe. Si tu veux, on a la chance de jouer dans plein d’endroits, hyper variés et puis on a toujours des surprises donc voilà. On ne rêve pas spécialement d’aller dans un endroit en particulier, mais on a envie d’avoir l’opportunité de jouer dans un maximum d’endroits différents et variés et de maintenir toujours la même excitation.

Vous aviez tous des parcours individuels avant, si je ne m’abuse, est-ce que vous continuer à plancher dessus ou est-ce que pour le moment c’est Kadebostany fever ?

K : Je me suis jamais considéré comme un artiste avec un style particulier, je n’ai jamais considéré ma musique comme « musique électronique » ou autre… Pour moi je fais de la musique et je compose de la musique et après les gens essayent de mettre une étiquette dessus, mais ils ont pas mal de difficultés à le faire. Par le passé, j’ai été compositeur, performer, j’ai aussi une carrière de dj. Mais pour le moment, on est complètement sur Kadebostany. Toute notre énergie est centré sur ça. Au niveau de sa carrière artistique, Amina était plutôt dans le théâtre au départ…

A : Oui au début j’ai commencé au théâtre. En fait, j’ai joué une pièce qui s’appelle Songes d’une nuit d’été de Shakespeare et le metteur en scène avait décidé de l’interpréter en comédie musicale, du coup, il m’ a proposé de chanter, et je me suis dit « on va essayer », et puis il m’a dit que ma voix était intéressante. Et de fil en aiguille, je suis passée au baroque en passant par le jazz, le rap en autodidacte. Et puis maintenant je suis là, et je continue à apprendre ett j’espère que ça ne s’arrêtera jamais.

K : Le point de rendez-vous entre Amina et moi c’est qu’on vient tous les deux d’un parcours autodidacte… Enfin on a pas de formation professionnelle particulière dans le milieu artistique, mais notre moteur c’est la curiosité et c’est l’envie de faire des choses et de les faire bien

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