Rachid Badouri : « Je dois mon succès en France à Arthur ! »

Crédit photo © Eric Myre

Elevé au rang de star au Québec, Rachid Badouri fait peu à peu son nid dans le paysage humoristique hexagonal. Intelligent, sympathique et drôle à souhait, le natif de Laval (ville située au nord de Montréal) ne manque pas d’atouts pour conquérir celles et ceux qui ne le connaissent pas encore.

Le 11 novembre prochain, Rachid Badouri tentera de faire passer son énergie au public du Forum de Liège. Une occasion unique pour les principautaires de voyager au pays des caribous dans le rire et la bonne humeur.

Afin de vous donner l’envie de vous y rendre, nous avons rencontré l’intéressé la semaine dernière, lors de son passage dans les studios d’NRJ Belgique.

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Rachid Badouri, lorsque l’on regarde votre parcours, on peut s’apercevoir que vous avez été steward pour une compagnie aérienne québécoise avant de vous lancer totalement dans l’humour. Dès lors, avez-vous eu votre vocation sur le tard ?

Après avoir travaillé quelques années comme steward, je voulais faire autre chose. Pas que cela me gonflait, mais je n’étais plus fait pour ce job. J’ai alors été vendeur de cacahuètes et de noix dans un entrepôt, puis vendeur dans l’électronique. Mais l’appel de l’humour était le plus fort. Si bien qu’à chaque fois qu’il y avait une nouvelle révélation dans l’humour au Québec, j’étais jaloux et je me disais « pourquoi pas moi ? ».

J’ai alors pris mon courage à deux mains et j’ai participé à un concours organisé par Juste pour Rire. J’ai alors été sélectionné pour participer au gala du Festival Juste pour Rire qui est le plus grand festival d’humour au monde. Du coup, j’ai signé mon premier contrat pour créer un spectacle en 2007.

Aujourd’hui, et après avoir connu le succès avec « Arrête ton cinéma ! », vous présentez votre nouveau spectacle au public intitulé « Badouri Rechargé ». Pourquoi avoir choisi ce titre ? Avez-vous été déchargé à un moment donné ?

Non, pas du tout. C’est surtout parce que je suis rechargé d’histoires et d’anecdotes. Ces dernières années ont été les plus folles de ma vie. J’ai vraiment connu toutes sortes d’émotions. Je me suis marié et un mois et demi plus tard, je perdais ma plus grande fan : ma mère. C’est d’ailleurs principalement de cela dont je parle dans le spectacle. Je fais rarement de l’humour politique ou engagé, je préfère parler de mon entourage.

Justement, on comprend que vous avez ressenti le besoin de parler de la disparition de votre mère sur scène. Néanmoins, cela doit être difficile à placer dans un spectacle humoristique…

Cela a été difficile à l’écriture. Dès lors, pour essayer de calmer un peu, j’ai ajouté ce qu’on appelle des « comic relief » pour atténuer l’attention. Toutefois, il fallait encore pouvoir placer le sketch sans rendre le public dépressif. Nous avons donc évité de le mettre à la fin (rires).

Dans votre premier spectacle, vous parliez de vos origines marocaines. Le sujet des origines est très présent dans l’humour de nos jours. Néanmoins, vous semblez vous démarquer de vos pairs en éludant l’ostracisme social et le racisme de vos textes. Est-ce voulu ?

Il n’y en a pas pour deux raisons. D’abord, lorsque j’ai vécu mes jeunes années au Québec, il n’y avait pas une aussi grande communauté maghrébine qui peut exister aujourd’hui à Montréal. J’avais alors l’avantage d’avoir des amis issus de migrations différentes, que ce soit haïtienne, italienne, grecque, arménienne ou libanaise. À Laval, la ville où je suis né, il y avait très peu de maghrébins. Ensuite, mon père est quelqu’un qui déteste deux choses : le racisme et les gens qui se « ghettonisent ». C’est un mot qu’il a inventé pour désigner un mec qui est au Canada, mais qui ne vit pas au Canada. Il a le satellite pour voir ce qu’il se passe dans son pays d’origine, mais il est incapable de dire qui est premier ministre au Canada. Des gens comme ça, il en existe dans toutes les communautés. Au début, cela part d’une peur ou d’une difficulté à s’adapter – ce que je trouve normal -, mais cela doit amener petit à petit à une forme d’intégration. Donc, mon père détestant ça, il nous demandait de parler obligatoirement deux langues à la maison : le berbère rifain et le français.

Mais voilà, je pense que grâce à ces deux choses-là, je suis un peu passé à côté de tout cela. Maintenant, j’ai vécu un ou deux problèmes de racisme, mais j’ai chaque fois réussi avec brio à m’en défaire grâce à une arme infaillible que j’avais en moi : l’humour.

En Belgique, tout comme en France, le grand public vous a découvert à la télévision et plus particulièrement, dans les émissions d’Arthur. Si bien que certaines personnes vous associent à Vendredi, tout est permis (VTEP). Pensez-vous qu’Arthur vous a offert, comme à d’autres humoristes, un bel éclairage en France ?

Pour être honnête, je dois tout à ce gars-là. Ma production lui doit beaucoup, mon entourage lui doit beaucoup, mon manager lui doit beaucoup et ma famille lui doit beaucoup. Je me rappelle encore aujourd’hui le jour où il m’a appelé pour me dire qu’il me voulait dans son émission Ce soir avec Arthur. Il m’a dit : « Viens dans l’équipe, mêle-toi avec les Ary Abittan et autres Claudia Tagbo. Mêle-toi avec ces gens, montre que tu as ta place ici et bientôt, je te reparle du concept que je suis occupé à développer ! ». C’est ce que j’ai fait.

Ensuite, le concept est arrivé. Nous étions dans son appartement et je peux vous jurer que la première fois où il nous a expliqué le concept de ce qui allait devenir VTEP, je croyais qu’il était sous l’effet du crack. Il nous expliquait une émission qui n’avait ni queue ni tête, aucun sens. À sa table, il y avait Ary Abittan, Amelle Chahbi, Elie Semoun, Anthony Kavanagh et moi-même qui nous regardions en se disant qu’il était fou. Ce n’est qu’au moment où il nous a parlé du décor penché et nous a montré quelques images que cela prenait un peu de sens.

Je n’oublierai jamais la chance que j’ai eu d’être autour de cette table. D’être avec un homme qui planifiait cette émission depuis longtemps et qui a réussi à convaincre TF1 de me mettre dedans, alors que je n’étais pas du tout connu en France. Cette émission m’a littéralement mis au monde.

Réservez vos places pour aller voir Rachid Badouri le 11 novembre au Forum de Liège (en cliquant ici).

A propos Matthieu Matthys 919 Articles
Directeur de publication - responsable cinéma et littérature du Suricate Magazine.