Saviez-vous que Sean Connery n’était pas le premier acteur à avoir incarné James Bond au cinéma ? Qu’une autre Mary Poppins a tenu le parapluie quinze ans avant Julie Andrews ? Ou que la première apparition de l’inspecteur Columbo s’est faite sans Peter Falk ?
En effet, avant d’être les célèbres personnages que nous connaissons aujourd’hui, plusieurs héros ont connu une autre vie et d’autres visages, se métamorphosant au gré de leurs aventures jusqu’à devenir ceux que nous connaissons désormais.
C’est ainsi qu’en 1975, sept ans avant Sylvester Stallone, un autre acteur incarnait Rambo au cinéma.

Il giustiziere sfida la città, ou les Bracelets de sang
En 1975 sortait sur les écrans italiens le film Il giustiziere sfida la città, traduit en français sous le titre Bracelets de sang et aux États-Unis sous le titre Syndicate Sadist – et parfois encore en Rambo’s Revenge.
L’histoire est celle d’un justicier des villes nommé « Rambo » et incarné par l’acteur Tomás Milián en lutte face à deux familles du crime.
De prime abord, rien à voir avec le vétéran du Vietnam incarné en 1982 par Sylvester Stallone… Et c’est tout à fait normal, car les deux personnages n’ont en commun que leur patronyme ! Tomás Milián aurait en réalité suggéré le nom de « Rambo » après avoir lu le roman First Blood de David Morrell, mettant en scène le célèbre personnage – et adapté plus tard dans le célèbre film de Ted Kotcheff.
C’est ainsi que Il giustiziere sfida la città fut envisagé… avec pour titre provisoire Rambo sfida la città – Rambo défie la ville en français.
De l’aveu de son réalisateur Umberto Lenzi, ce film appartenant au genre italien du poliziottesco – le néo-polar italien, ou polar-spaghetti – emprunte énormément aux films de Don Siegel, bien que la structure narrative du récit se rapproche davantage du western. Il sera d’ailleurs décrit le 19 septembre 1975 par un critique du journal Il Messaggero comme : « Encore un autre drame policier italien construit sur le modèle d’un western spaghetti ».
Dans son Italian Crime Filmography, l’auteur Robert Curti énumérera encore d’autres références, affirmant que ce Rambo est un « personnage de western abandonné dans un environnement urbain contemporain, un fils illégitime de l’Homme sans nom incarné par Clint Eastwood – avec tout de même un meilleur sens moral – qui chevauche une moto au lieu d’un cheval ».
À cela s’ajoute l’arrivée du personnage dans une ville où s’affrontent deux gangs rivaux que le héros montera l’un contre l’autre, renvoyant ainsi à l’intrigue du Pour une poignée de dollars de Sergio Leone. On trouvera encore une bagarre dans un bar, une prostituée au cœur tendre ou un enfant en admiration devant le héros, comme dans L’homme des vallées perdues.
À cela, nous pourrions ajouter que le personnage présent dans ce film ressemble étrangement au Serpico incarné par Al Pacino deux ans plus tôt dans le film de Sidney Lumet !
Robert Curti ajoute encore que l’antagoniste principal, incarné par Joseph Cotten, ressemble à une variation du rôle interprété par Garbriele Ferzetti dans Il était une fois dans l’ouest, ou encore que les cascades en moto rappellent fortement celles de Steve McQueen dans La grande évasion.
Au-delà de cela, l’auteur Paolo Mereghetti aura souligné, dans son Dizionario dei Film Italiani, que Il giustiziere sfida la città était un « policier à l’italienne, un peu rugueux mais d’une certaine cohérence narrative, dans lequel Milián met au point un personnage railleur et bavard qui atteindra son apogée avec le succès des films du commissaire Giraldi ».
En effet, par la suite, l’acteur Tomás Milián incarnera le commissaire Nico Giraldi dans onze films produits entre 1976 et 1985. Personnage resté célèbre en Italie et qui semble avoir doucement pris forme ici.
Ainsi, si le Rambo que nous pourrons voir dans Il giustiziere sfida la città n’a que son nom en commun avec le vétéran incarné par Sylvester Stallone, il brasse quantités de thématiques et de références qui en font un réel produit de son époque, autant qu’une curiosité valant le détour. Comme si, après son retour du Vietnam, John Rambo était devenu un justicier des villes, chargé de ramener l’ordre dans une société en perte de repères !

Bibliographie
Robert Curti, Italian Crime Filmography, 1968-1980, Jefferson (North Carolina), McFarland and Company Inc., 2013, p. 152-153
Austin Fisher, Blood in the Streets. Histories of Violence in Italian Crime Cinema, Edinburgh, Edinburgh University Press, 2019, p. 155-156.
Roberto Poppi, Mario Pecorari, Dizionario Del Cinema Italiano. I Film dal 1970 al 1979, vol. 4, tome 1 (A-L), Rome, Gremese Editore, 1996, p. 343-344.
