Titre : Paul
Auteur.ice.s : Hervé Bourhis
Edition: Casterman
Date de parution : 09 avril 2025
Genre du livre : Bande dessinée biographique
Ce n’est pas « Love, love me do » qu’ils auraient dû chanter. Mais plutôt « You know I hate you ». Si l’ascension des Beatles et la manière dont ils ont révolutionné le rock et la pop culture nous fascinent encore – et ce n’est pas Danny Boyle qui leur a consacré un film en 2019 qui dirait le contraire – nous oublions parfois que la chute fut aussi mouvementée que le décollage. Et c’est pourquoi Hervé Bourhis prend le parti de ne pas raconter l’histoire galvanisante de la Beatlemania mais plutôt l’agonie du groupe. Mais il ne la raconte pas sur un ton racoleur. Un écueil facile qui attise la soif de drame du lecteur. Non, Hervé Bourhis se concentre sur ce qu’il y a d’optimiste dans une fin. La fin peut être un vecteur de renouveau. Une source de motivation pour l’artiste qui ne peut plus se reposer sur ses acquis.
En 1970, les Beatles se séparent après dix ans de succès – mais aussi après son lot de dissensions, de conflits d’égo et de jalousies. John annonce lors d’une réunion houleuse chez Apple (le label discographique, pas la multinationale américaine) qu’il s’engage dans une carrière solo, épisode que Bourhis raconte dans un chapitre très adéquatement titré La pomme de la discorde. Et suite à cela, plus que n’importe quel autre membre, c’est Paul McCartney qui sera ostracisé. Après la maladresse avec laquelle il s’attribuera la rupture du groupe et son opposition contre la nomination, votée par les autres membres, du nouveau manager Allen Klein, Paul se retrouvera bien seul. Il lui faudra des années avant d’adresser à nouveau la parole à ses camarades.
Mais après une phase de déprime qu’il soigne à coup de méditation dans son dôme géodésique et un court passage par le travail fermier, Paul se rend compte qu’il peut voir dans la dissolution des Beatles, une chance de recommencer à zéro. Il engage des musiciens amateurs avec qui il multiplie les petites salles et les espaces universitaires. Parmi ses nouveaux compagnons d’infortune, sa femme Linda avec qui il a construit une relation basée sur la tendresse et le respect. Comme Hervé Bourhis le précise dans sa postface, John Lennon a longtemps été considéré comme le mentor du groupe, à qui on enviait le talent, mais aussi le mode de vie libertaire en vogue à l’époque. Mais de plus en plus, aujourd’hui, son égoïsme est pointé du doigt. On commence à lui préférer l’humilité de Paul McCartney. Sa sobriété. Et le respect des valeurs familiales qu’il portait fièrement.
L’avantage, et le désavantage, d’écrire sur les Beatles est que le groupe possède déjà une identité visuelle très forte qu’il est difficile d’ignorer. Hervé Bourhis est donc obligé de composer avec l’univers pop et acidulé des seventies, qu’il remet au goût du jour, en utilisant des couleurs fluo qui confèrent à l’album une touche de modernité. Mais Bourhis mise aussi sur l’humour. L’attitude caricaturale de ses personnages rappelle le dessin de presse. Le nez de John Lennon pourrait être celui de Sarkozy. Du moment qu’il est énorme, quelle différence ? Et le lien avec l’univers médiatique ne s’arrête pas au graphisme puisque Bourhis n’hésite pas à emprunter certains des dispositifs de la vidéos youtube ou encore des médias papier ou télévisés pour servir son propos. Un album coloré et inventif qui fait la part belle à McCartney. Come together, right now. Over Paul.