Le passé devant nous, un présent dérangeant

Le passé devant nous

de Nathalie Teirlinck

Drame

Avec Evelyne Brochu, Eriq Ebouaney, Johan Leysen

Sorti le 8 février 2017

Alice est perdue dans un monde dont elle ne maîtrise pas les codes, dans lequel elle ne se reconnaît pas. Et pourtant ce n’est pas un lapin, un chat ou une reine qui l’effraie mais bien un petit chérubin aux cheveux dorés et tout l’amour qu’il pourrait lui soutirer. Alice (Evelyne Brochu) mène une vie ordonnée de call-girl de luxe. Elle dort tard, fait un peu de sport et attend de se faire déposer sur son lieu de travail, un hôtel cossu, par son chauffeur Michael, l’une des rares personnes, si pas la seule, avec qui elle a tissé des liens un peu normaux. Mais, à la mort d’un ancien amour, elle se voit confier la lourde tâche d’élever son fils qu’elle ne connaît pas. Avec ce premier long-métrage, Nathalie Teirlinck s’inscrit dans un mouvement cinématographique en plein envol : le drame flamand.

Et c’est aussi avec beaucoup d’esthétisme et cette nostalgie très caractéristique du cinéma nordique que Le passé devant nous partage avec le public la dure réalité de cette jeune call-girl. Les scènes sont, en effet, très lentes et les plans très réfléchis. Il y a un réel travail de fond quant à la mise en forme qui rappelle un tantinet Lars Von Trier (d’ailleurs, on retrouve derrière la caméra Molly Malene Stensgaard qui a réalisé, entre autres, le montage de Melancholia).

Et en conséquent, les premières scènes sont difficiles à accrocher et assez abruptes. Volontairement, pour montrer justement la puissance de l’image, les informations sont peu claires. Mais, au fur et à mesure du film, l’histoire prend forme.

Les thèmes abordés ne sont, d’ailleurs, pas guillerets. Entre la mort et la peur, ce film n’est pas à vanter pour les moments de franches rigolades qu’il offre, loin de là. D’ailleurs, au centre des préoccupations, on trouve ce profond et paradoxal mal-être causé par le besoin d’être aimé et, à la fois, la difficulté de s’ouvrir à l’autre : Alice semble vouloir laisser s’exprimer son instinct maternel, mais quelque chose de plus fort qu’elle l’en empêche. Et cela débouche sur le portrait d’une relation assez dérangeante finalement, alors que rien n’est plus naturel que l’amour d’une mère. Et, bien sûr, Alice ne parvient pas non plus à nouer des liens avec son propre entourage, ou du moins les rares personnes qui l’entourent, à savoir son père atteint d’Alzheimer ou encore son voisin. Le seul qui paraît pouvoir l’aider, c’est Michael qui semble faire office de lueur d’espoir. Et puis, tout n’est peut-être pas perdu pour Alice qui a, désormais, une raison de lutter contre ses démons.

Mais si toute l’originalité du film relève justement d’un amour hors-norme entre deux êtres qui peinent à se comprendre dans un monde où tout se perd, Nathalie Teirlinck pousse parfois le désarroi à son paroxysme avec l’une ou l’autre scène légèrement trop violente moralement et pas forcément utile.

Finalement, Le passé devant nous est d’un point de vue esthétique très réussi. Mais, de par notamment son côté très froid et très violent, ce n’est pas un film qui plaira à tous.