« On the Rocks », lost in slow motion

On the Rocks
de Sofia Coppola
Comédie, Drame
Avec Bill Murray, Rashida Jones, Marlon Wayans
Sortie le 23 octobre 2020 sur Apple TV+

Il y a de films de cinéma, des films qui parlent de cinéma et des films qui font réfléchir à ce qu’est, au fond, le cinéma. On the Rocks, le dernier long métrage de Sofia Coppola, tend définitivement vers cette dernière catégorie.

À première vue, le film ne raconte pas grand chose. Laura (Rashida Jones), écrivaine, s’inquiète car son mari Dean (Marlon Wayans) est de plus en plus absent. Motivée par son père, qui prend vie par la prestation de Bill Murray, elle se lance dans une enquête afin de découvrir si, oui ou non, son mari lui cache réellement quelque chose. Un pitch déjà vu et revu, mais là n’est pas le propos, car derrière cette mise en scène se cache peut-être un film qui en dit bien plus sur nous, qu’il n’en dit lui-même.

Car pour bon nombre d’entre nous, passer les portes de la salle signifie pénétrer dans un autre monde. Quelle que soit l’histoire qui nous sera contée, nous mettons volontairement notre incrédulité dans notre poche le temps d’une séance, d’une évasion. Un comportement conditionné par tout un pan du cinéma et de l’art, qui nous a habitué à des aventures, des drames, des péripéties, à une extrapolation de la vie destinée à nous arracher à notre quotidien.

Mais ce quotidien, c’est précisément ce qui enferme Laura, désespérément coincée dans la routine d’une vie dont elle ne trouve plus la saveur.

L’arrivée de son père, malgré toute l’aversion qu’elle porte à son mode de pensée, lui fait entrevoir l’étincelle qui pourrait débloquer sa propre situation. Et par conditionnement, ou peut-être par facilité, nous nous laissons emporter avec elle dans cette soif d’aventure. Après tout, n’est-ce pas un souhait inconscient de l’être humain, dans nos sociétés concentrées sur la recherche incessante et perpétuelle du bonheur ?

Là où le film surprend, ou déstabilise même, c’est lorsqu’il lève le voile sur les vraies intentions de sa réalisatrice et le choix de son dénouement. Car On the Rocks, ce n’est pas le cinéma de l’évasion, des personnages exubérants, des dénouements rocambolesques, mais bien celui des compromis, des silences, des lassitudes. Avec beaucoup de tendresse pour ses personnages, et accompagnée par les cabotinages de Bill Murray, Sofia Coppola peint le cinéma de la vie.

Un cinéma qui ne nous fait pas le plaisir de mentir sur ce que sont les vrais défis de nos existences. Un cinéma honnête, dur peut-être, mais qui nous rappelle que chaque aventure, aussi petite soit-elle, vaut la peine d’être vécue. Pourvu qu’on sache profiter de chaque petit instant.