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    Néro, l’assassin : la foi, le sang et la Rédemption

    Une fantasy française qui convainc et nous assoit : Néro, l’Assassin est une belle réussite. On pense découvrir une série un peu fantasque avec un antihéros classique, mais finalement, le 8ᵉ épisode se termine et vous restez assis un moment, savourant l’instant. Vous venez de finir une série satisfaisante.

    Nous sommes en 1504, en France. Néro est un assassin au service du consul de Lamartine. Sa personnalité ? Classique pour un antihéros de fantasy : il boit, tue et fréquente régulièrement les bordels. Il ne vit que pour lui et son patron. Jusqu’au jour où il apprend que sa fille, qu’il a abandonnée à la naissance, est — grâce à lui — la dernière descendante du Diable. Programme chargé en vue. Résultat des courses : l’Église et bien d’autres veulent tuer cette jeune innocente, et notre assassin, dans un élan… paternel ? héroïque ? on ne sait pas, décide de tout faire pour lui sauver la vie. Lui qui n’a jamais vécu que pour lui, qui n’a jamais eu de famille, se retrouve à devoir porter des émotions et des responsabilités très lourdes pour quelqu’un qui n’est pas prêt. Accompagné par le moine Horace — celui qui a élevé Perla (la fille de Néro, donc) — et après avoir kidnappé Hortense, la fille du comte de Rochemort, ils se mettent en route vers Ségur, ville sainte où vit l’archevêque. Ils fuient aussi une sorcière borgne, également à la recherche de Perla. Et, entre-temps, le pays est plongé dans une sécheresse intense. Certains disent que c’est la punition de Dieu. Parmi eux, Frère Pénitence et ses suiveurs, qui parcourent la France pour inciter tout le monde à se repentir face à la colère divine. Entre les hommes de Dieu, la sorcellerie, la sécheresse et la pauvreté, c’est un pays exsangue et tendu que traversent Néro et son équipe éclatée.

    Si le premier épisode met un peu de temps à maintenir notre intérêt, il fait néanmoins son travail. L’histoire est intéressante, et notre curiosité est bien piquée. En revanche, le troisième épisode tient sa promesse en tant qu’épisode pivot : on se redresse sur son siège, c’est l’heure des affaires sérieuses. Avec comme thème principal, la foi — un gros sujet, la série critique l’église sans devenir une parodie d’elle-même. La manière dont elle aborde le thème, et le lie à la disparition des cultures non chrétiennes, ainsi qu’à la question écologique, donne une dimension réelle et proche de nos préoccupations actuelles, donnant ainsi un véritable poids à ses arguments. Elle matérialise chaque sujet en un personnage qui porte ses convictions à la sueur de son front et à la chair des autres. 

    Il y a un vrai plaisir à voir ces personnages évoluer à l’écran, portés par des acteurs solides. Tous offrent une performance travaillée. Même les apparitions plus courtes restent marquantes. On pense notamment au premier groupe de mendiants que Néro et sa troupe croisent dans le désert, en chemin vers Ségur : le désespoir est palpable dans cette scène, et nous met autant mal à l’aise que les personnages. C’est d’ailleurs le moment où l’on sent que ceci n’est pas un jeu. Ces mendiants sont prêts à tuer, et rien ne pourrait sauver nos protagonistes. Très peu de mots sont échangés : on voit surtout les regards vides et les mouvements menaçants. Un moment très bien exécuté. On note aussi l’apparition marquante d’Hazel, jouée par Dounia Saïdane, et la performance de Pio Marmaï en Néro, en tête d’affiche. Les répliques sont justes, et même les plus drôles trouvent leur place. Pareil pour Alice Isaaz et Lili-Rose Carlier Taboury : Hortense et Perla se donnent à fond dans leur jeu. Et par-dessus tout, c’est un plaisir de voir la relation entre les deux jeunes femmes. Leur alchimie est l’un des meilleurs éléments de cette série, autant dans l’écriture que dans l’interprétation.

    On applaudit les moyens déployés pour donner à la série son énergie : le jeu d’acteurs, les paysages, les prises de vue — c’est une réussite. Mais c’est surtout dans les détails discrets que la magie opère. Qu’il s’agisse des répliques courtes et incisives ou de l’utilisation subtile et naturelle de la magie, on se prend au jeu, parce qu’il n’est jamais exagéré. Certaines scènes, entre deux séquences majeures, permettent de creuser un peu plus l’univers, les personnages et l’histoire. Par exemple, Perla, qui prétend être une grande dame de la cour, se pavane devant le miroir, répétant son nom d’emprunt, puis donnant des ordres à un personnel imaginaire. Ces ordres deviennent progressivement plus raides, plus durs, plus meurtriers. Cette scène ne dure que cinq à dix minutes tout au plus, mais elle nous donne une idée de ce qui se passe dans la tête de cette enfant qui n’a jamais connu que la rue et la violence.

    Bref, la série fonctionne ! Elle n’est entachée que par la relation amoureuse entre Néro et Hortense. Il y a quelque chose dans l’écriture et dans leur évolution qui fait que, au moment où la relation se concrétise… eh bien, malheureusement, on s’en moque un peu. On s’en moque même tout au long de la série, en réalité. Leurs interactions sont intéressantes, mais sans plus. C’est bien plus intéressant de voir la relation que Nero a avec lui-même et c’est bien plus passionnant de voir Hortense interagir avec les autres femmes de la série. On peut accepter et comprendre pourquoi la relation naît, mais finalement elle n’était pas nécessaire. Les deux auraient pu simplement devenir de très bons amis — un genre d’ennemies-to-best-friends — et la série n’y aurait rien perdu. Au contraire, cela aurait apporté un souffle de fraîcheur supplémentaire à cette fantasy.

    Ce n’est au final qu’une tâche bien discrète sur cette aventure. Néro, l’Assassin est une chouette série qui mérite d’être binge-watchée. Efficace et bien jouée, elle porte les marques d’une bonne série du samedi soir : travaillée, subtile et surprenante.

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    NéroCréé par Jean-Patrick Benes, Allan Mauduit, Martin Douaire et Nicolas DigardRéalisé par Allan Mauduit et Ludovic Colbeau-JustinGenre : Aventure, FantasyActeurs et actrices : Pio Marmaï, Alice Isaaz, Olivier GourmetNationalité : FranceDate de sortie : 8 octobre 2024 Voir sur Netflix Une fantasy française qui convainc et nous assoit...Néro, l’assassin : la foi, le sang et la Rédemption