Moi, Daniel Blake : l’absurdité du monde

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Moi, Daniel Blake
de Ken Loach
Drame
Avec Dave Johns, Hayley Squires, Dylan McKiernan
Sorti le 26 octobre 2016

Après Le vent se lève en 2006, le réalisateur britannique Ken Loach a reçu pour la deuxième fois de sa carrière la Palme d’Or au Festival de Cannes pour son dernier long-métrage Moi, Daniel Blake.

Sur fond de drame social, Moi, Daniel Blake dresse le portrait d’un travailleur au combat, indigné et décidé à se battre pour faire valoir ses droits. Veuf, ce menuisier de 59 ans aux problèmes cardiaques doit faire appel pour la première fois de sa vie aux aides de l’état. Pris dans l’engrenage d’une administration kafkaïenne, le personnage se fait malmener par les services sociaux et subit des humiliations permanentes.

Cette précarité constante dépeinte par Ken Loach est visible à tous les niveaux du film et valable pour tous les personnages. En suivant cette jeune mère célibataire qui voit sa vie se fissurer sans emprise sur elle, Ken Loach plante ses personnages dans une société où la misère et l’exclusion obligent ses citoyens à une lutte sans merci au quotidien.

Comme à son habitude, l’écriture du scénario résulte d’une longue enquête de terrain auprès des premiers concernés. Cet hyperréalisme, abrupt et sans concession, manque toutefois d’une prise de recul nécessaire qui éviterait au film de rester collé, englué à cette réalité. Trop manichéen, toutes les caractéristiques — aussi réalistes soient-elles — du drame social y sont décrites : pole emploi, invalidité, isolement d’une jeune mère célibataire, services sociaux, banque alimentaire, prostitution, etc.

Le regard de Ken Loach, qui manque cruellement d’élévation, n’en est pas moins révolté, et se heurte à la manière d’aborder l’absurdité du monde actuel. Là où il y a rupture dans ce marasme social sans issue, c’est lorsque le réalisateur porte une attention délicate à ces systèmes d’entraides entre les citoyens — solidarité et fraternité humaine.

Malgré l’apport d’une douceur et d’une bienveillance à l’égard de ses personnages, Ken Loach ne réussit pas à leur redonner une dignité à l’écran. Prévisible et plein de mollesse, Moi, Daniel Blake manque cruellement de cinéma, comme si son réalisateur avait oublié d’en faire un film.

A propos Paul Muller 22 Articles
Journaliste du Suricate Magazine

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