Mitterrand, bilan d’une vie

Callède

Scénario & dessin : Callède
Editions : Le Lombard
Date de sortie : le 25 mars 2016
Genre : Franco-belge

Vingt ans après la mort de Mitterrand, un jeune dessinateur scénariste se penche sur le passé de ce dernier. Il nous convie à une balade à portée métaphysique au crépuscule de la vie du grand homme de gauche.

Pour ce requiem, l’histoire débute le 31 décembre 1994, au moment où Mitterrand s’adresse une dernière fois aux Français pour ses vœux. Son discours teinté de mysticisme ne passe pas inaperçu, il marquera durablement les esprits qu’il convoque d’ailleurs à la fin de ses propos. « Je crois aux forces de l’esprit et je ne vous quitterai pas ». Un an plus tard, il n’est plus aux commandes de la France. Il a perdu son combat contre le cancer de la prostate. Rongé par les métastases, il décide de partir quelques jours au bord du Nil en compagnie de sa fille Mazarine, d’Anne Pingeot et de son médecin personnel. Sur place, il refuse d’être drogué. L’heure de son examen de conscience est arrivée. Il tient à rester lucide, histoire de pouvoir se regarder en face. Anubis, le gardien des portes de l’enfer, vient le visiter dans son sommeil et l’aide à opérer un retour sur quelques épisodes marquants de sa vie.

Tout comme Mitterrand, Joël Callède est originaire des Landes. Et comme bon nombre de Français, l’auteur a été marqué profondément dans sa vie d’homme par le double septennat du politicien de gauche. Il a fait partie de la fameuse « génération Mitterrand ». On le sent fasciné par le personnage aux multiples facettes mais il ne l’épargne pas pour autant. Callède rappelle dans sa BD que la somme d’une vie est tout ce qui est et a été. Pour confirmer ses dires, il n’occulte pas la part d’ombre, refoulée, niée et parfois oubliée de Mitterrand. Le dessinateur convoque Jean Jaurès et Jean Moulin, deux grands hommes inscrits au Panthéon dont l’homme à la rose se sent l’héritier spirituel. Ces derniers lui donneront une petite leçon sur le sens du sacrifice et sur les idéaux du socialisme avant de lui asséner un dernier coup. On a la mort qu’on mérite dira Moulin, lapidaire à un Mitterrand fortement décliné par son cancer.

Et pour lever le voile sur le passé trouble du premier président socialiste de la Vème République, Anubis le mène jusqu’à une guillotine. Si l’objet n’est pas sans rappeler les meilleurs jours de Mitterrand en président abolitionniste de la peine de mort, il renvoie également aux événements tragiques d’Algérie dans les années 50, lorsque Mitterrand était garde des sceaux et lorsqu’il a signé des décrets permettant la condamnation de dix indépendantistes à la peine de mort au nom de la raison d’état…

Grand séducteur, homme de compromis connu pour cultiver les mystères, taxé de manipulation, il porte également le poids de son passé vichyste et les stigmates de la fin tragique de deux de ses fidèles collaborateurs Pierre Bérégovoy et François de Grossouvre.

Mais on aurait tort de croire que le travail de Callède ne s’apparente qu’à une forme de réquisitoire contre les actes posés par un homme d’état complexe. Même si l’auteur ne ménage pas son héros, il nous éclaire surtout sur sa vie intérieure et ses questionnements spirituels. L’écriture des dialogues est particulièrement soignée et les dessins sont d’une précision remarquable avec des traits de visage très réaliste. Le travail de synthèse de la vie de Mitterrand élaboré par Joël Callède est une véritable réussite. De page en page, nous suivons avec grand intérêt la fin de vie d’un grand homme, seul face à lui-même.

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