MED 2018 – Carmen & Lola : quand l’amour défie les traditions

Carmen & Lola
d’Arantxa Echevarría
Drame, Romance
Avec Rosy Rodriguez, Zaira Romero, Moreno Borja
Présenté dans le cadre du Festival du Cinéma Méditerranéen de Bruxelles

Le Festival du cinéma méditerranéen commence en force avec une histoire d’amour interdit entre deux adolescentes dans la communauté gitane, machiste et ancrée dans les traditions. Dans Carmen & Lola, l’espagnole Arantxa Echevarría nous parle d’amour pur dans un univers peu présent sur grand écran.

Carmen et Lola sont deux adolescentes gitanes qui vivent dans la banlieue madrilène en Espagne. À 17 ans, Carmen reste fidèle à la tradition de sa communauté, en se destinant à un jeune homme, avec qui elle se fiance en grandes pompes dans son quartier. Lola a 16 ans et veut poursuivre ses études pour éviter un avenir similaire qui l’attend. Elle s’évade dans ses fresques murales et découvre peu à peu son homosexualité. Lorsque les deux jeunes femmes se rencontrent, le clash avec les traditions est inévitable…

C’est avec ce très beau long métrage d’Arantxa Echevarría que le Festival du cinéma méditerranéen a choisi d’ouvrir sa 18ème édition, dédiée à la jeunesse des pays du bassin méditerranéen. Voilà un film dont on sort le cœur rempli d’ondes positives, même si la trame est plutôt dramatique. Sélectionné à la dernière Quinzaine des réalisateurs à Cannes, Carmen & Lola nous ouvre avec humour et émotion une fenêtre sur une communauté stigmatisée, critiquée mais méconnue finalement. On ne gâchera le plaisir de personne en racontant le pitch, à savoir, l’amour entre deux jeunes femmes, condamné violemment par une communauté machiste et traditionnelle. Sous leurs dehors modernes et libérés, ces deux adolescentes vivant près de Madrid sont en réalité emprisonnées par leurs familles et leur communauté qui les préparent à devenir de bonnes épouses et mères au foyer, comme ça se fait depuis des générations. Si l’une accepte cette fatalité sans se poser trop de questions, l’autre tente de l’éviter, mais toutes deux souffriront face aux choix qu’elles devront faire.

Des actrices à couper le souffle

« C’était leur première fois », a expliqué la réalisatrice, Arantxa Echevarría, lors de la présentation du film sur la scène de l’Orangerie du Botanique vendredi soir. Tous les comédiens ont donc été castés de manière sauvage, dans la rue, au sein de la communauté gitane espagnole. Elle a relaté la réticence de ses membres à s’exposer et surtout à parler d’un sujet tabou tel que l’homosexualité. L’une des héroïnes aurait d’ailleurs eu à faire face à des pressions à la suite de sa participation au tournage. Raison de plus pour applaudir les performances de Zaira Romero et de Rosy Rodríguez, mais aussi des seconds rôles bien trempés qui les accompagnent. Même si l’univers des gitans nous est peu familier, la mise en scène nous le rend très réaliste, avec ses beaux et vilains côtés. On découvre les traditions gitanes, les préparatifs haut en couleurs de fiançailles, la vie des familles vivant de la vente des marchés, le quotidien des hommes et surtout des femmes, qui acceptent et encouragent un mode de vie à l’ancienne, sans chercher à s’émanciper.

La douce intimité entre Carmen et Lola est confrontée à une violence intense mais acceptée dans cette communauté repliée sur elle-même. Encore une fois, le cinéma réussit le pari de dévoiler une autre réalité, d’aborder de manière touchante un sujet difficile, trop peu traité et qui véhicule un message d’amour et de tolérance plus que nécessaire aujourd’hui.

A propos Déborah Neusy 27 Articles
Journaliste du Suricate Magazine