Mademoiselle Julie de Strindberg aux Martyrs jusqu’au 19/11

De August Strindberg, mise en scène de Gian Manuel Rau, avec Caroline Cons, Berdine Nusselder, Roland Vouilloz. Du 07/11 au 19/11/2017 au Théâtre des Martyrs.

Dès le rideau ouvert, le décor nous saute aux yeux. Un réalisme étonnant dans la simplicité de cette cuisine. Une femme au fourneau prépare à manger pour son homme. Le détail y va même jusqu’à la cuisinière à gaz et au vrai robinet. Et ces grandes fenêtres qui donnent sur la rue. On aurait presque envie de s’y pencher pour voir.

Mais si les premières secondes ravissent les yeux d’un point de vue matériel, très vite le public est emporté dans une tornade d’émotions.

On nous conte la vie de deux domestiques qui ne savent plus comment réagir face aux folies passagères et aux manques de manières de la maitresse des lieux. Une fille pourrie gâtée qui ne semble pas se soucier de ses actes, de ses mots. Elle rêve continuellement et elle veut emporter tout le monde dans sa fête. Jean, le domestique, reste bien fixé dans son statut, loin des nobles. Et ses prémices de politesse font très vite place à la confession. La nuit se prolonge sur une longue discussion entre Julie et lui. Les langues se délient, les vérités font surface et les amours sont révélés. Quels amours ? De beaux prétextes à reprendre le dessus sur le statut social de l’autre. Qui manipule l’autre ? Qui est arrivé à ses fins ?

Souvent, lorsque l’on parle de cette pièce, on fait référence à l’harakiri des samouraïs. Se punir par déshonneur, ne plus mériter de vivre face au désarroi et à l’indignité. C’est on ne peut plus vrai dans cette pièce. Mais le suicide est lent et cousu par des discours forts, des utopies, des promesses, des mensonges et la si blessante vérité qui nous rattrape toujours. On comprend pourquoi cette pièce écrite en 1888 n’a pu être jouée avant 1906. Et les sujets qui fâchent sont souvent les plus intéressants sur scène.

Que dire des trois comédiens ? Nous avons un magnifique trio qui fonctionne très bien. Les répliques fusent et la complicité est présente. Si au début, l’accent de Berdine Nusselder semble étrange, l’oreille s’y habitue et ajoute du piment au personnage.

Comme dit plus haut, c’est une tornade d’émotions qui nous emporte durant toute la représentation. D’abord compatissant avec l’un des personnages, puis finalement, on en vient à détester un autre, puis à l’aimer et finalement à les trouver injustes ou véritables. On peut se reconnaître dans les différentes décisions, les différentes envies ou même méchancetés. Et comme pour notre réalité, on aimerait que tout redevienne comme avant à la fin, mais le drame est fait.

Déception tout de même sur la fin. En voyant la véracité apportée par le décor, les lumières et la bande son (Le courant d’air des fenêtres ou la télékinésie des meubles), il est dommage que nous n’ayons pas eu une plus belle scène finale pour exprimer l’apothéose de la pièce. Mais le spectacle est réussi et le message est transmis.

A propos Christophe Mitrugno 62 Articles
Journaliste du Suricate Magazine