L’Exil de la beauté : vision personnelle d’un agitateur

Titre : L’Exil de la beauté
Auteur : Rudy Ricciotti
Edition : Textuel
Collection : Conversations pour demain
Sortie : 10 avril 2019
Genre : pamphlet

Dans cet entretien, Rudy Ricciotti, l’architecte concepteur du MUCEM à Marseille, critique la tyrannie de la beauté standardisée sur un ton libre et volontiers provocateur. Ce court texte porte sur la beauté au sens large du terme incluant bien-sûr les arts mais également la gastronomie ou l’engagement. Il ne s’agît pas d’un traité sur l’esthétique mais plutôt de l’exposé d’une conception personnelle s’appuyant sur de nombreux exemples.

Selon l’auteur, la beauté n’est compatible ni avec un bon goût imposé, comme pour l’art moderne, ni avec les œuvres surexposées. Il en va ainsi des grands monuments devenus touristiques dont les multiples visites et reproductions imagées ne laissent plus au regard le plaisir d’être surpris.

Le pamphlétaire fustige également l’esthétique de pacotille imposée par le marketing. Les pots de yaourt sont critiqués pour leur uniformité et plus encore pour leur fausse authenticité qui masque un contenu industriel. Au-delà de l’étiquette, la laideur vient donc du piège à consommateurs.

L’Exil de la beauté part à la recherche de l’esthétique singulière qui émancipe et attise le désir. Une quête au prix de certains efforts et au risque de cuisants échecs. L’auteur cite l’exemple le film Playtime auquel réalisateur Jacques Tati a consacré un temps et des moyens financiers considérables, notamment pour des décors somptueux, mais qui n’a pas trouvé son public.

Sur la forme, Rudy Ricciotti, personnage haut en couleurs revendiquant sa méditerranéité, passe avec plaisir de la dérision à la provocation (voir l’illustration du rapport entre politique et esthétique par les ronds-points). Le format de l’entretien convient donc bien à la personnalité de l’auteur. Le lecteur peut en revanche se perdre dans les méandres des digressions qui soulignent un état d’esprit anticonformiste sans vraiment éclairer le sujet.

Tout comme la conception de la beauté qu’il défend, ce pamphlet se caractérise par la singularité tant sur le fond que sur la forme et mérite qu’on y consacre quelques efforts. Tant qu’on n’a pas peur d’être un peu bousculé, nul besoin d’être critique d’art pour apprécier les idées intéressantes de cet Exil de la beauté.

A propos Sophie Karides 11 Articles
Chroniqueuse du Suricate Magazine