Les Voix de l’eau portent la parole des sinistrés de juillet 2021

« Les Voix de l’eau », lecture de Caroline Lamarche et David Van Reybrouck, le 110 mars au Théâtre National.

En préambule à la représentation de Les Voix de l’eau, Sylvia Botella du Théâtre National, présente les orateurs du jour. Caroline Lamarche est autrice et curatrice associée (notamment) au festival des Mots à Défendre (MàD), « subversive sans tapage ». David Van Reybrouck est écrivain, auteur notamment de « Congo » qui a reçu le Prix Médicis en 2012, « une des figures intellectuelles des plus emblématiques en Europe, voire dans le monde ».

Les terribles inondations de juillet 2021 ont laissé 39 morts, 100.000 sinistrés et 3 milliards d’euros de dégâts. Caroline Lamarche est allée à la rencontre des sinistrés avec la photographe, Françoise Deprez, en janvier 2022 avec le sentiment que le temps du récit était venu pour ces personnes. Les images et témoignages de cette « traversée longue et puissante » ont nourri une exposition et un livre (Toujours l’eau, Éditions du Caïd) pour garder des traces et permettre aux victimes de raconter ce qu’elles ont vécu.

David Van Reybrouck s’est, pour sa part, rendu dans la vallée de la Vesdre dans des familles endeuillées par le drame. Selon lui, cette tragédie est une catastrophe pas tout à fait naturelle, « il y a une responsabilité humaine. Le changement climatique est connu mais ne suscite aucune réaction ». Il présente des images qui n’ont jamais été montrées. Dans une maison abandonnée, il a trouvé une boîte de diapositives, abîmées par l’eau, qu’il a fait numériser. Ces images plutôt abstraites constituent « les vitraux collectifs de ce désastre national et mondial ». Et il se demande toujours à qui elles appartiennent.

Caroline Lamarche, au pupitre, entame la lecture d’extraits de témoignages recueillis auprès des victimes des inondations. « Les pompiers disaient rentrez chez vous. Moi, je voulais aider ». « Personne ne venait parce qu’on pensait qu’on était morts ». « Le premier qui est venu nous aider était un SDF. Il a aidé tout le monde dans la rue ». « On n’a pas connu la guerre, mais on a vécu cela. » « il n’y a pas une histoire plus pénible qu’une autre, elles le sont toutes. »

Sur l’écran noir, s’affichent un à un, le nom, l’âge et la commune de résidence des 39 personnes décédées. En latin, puis dans d’autres langues, David Van Reybrouck dit : « Repos éternel pour vous. Inquiétude éternelle pour nous. » Il récite ses poèmes extraits de Rain Requiem, une ode aux habitants meurtris et à leurs morts mise en musique par Jeff Neve. « Pardonnez-nous, mes amis, parce que nous savons ce que nous faisons. Pardonnez-nous, mes amis, parce nous faisons ce que nous savons. »

Après cette intervention, les deux auteurs prennent place dans le public et invitent les personnes présentes à partager des expériences ou des ressentis. Une femme de Verviers, émue, explique qu’il y a encore beaucoup à faire, que ce n’est pas toujours facile. « Certains étaient déjà sinistrés avant d’être sinistrés, dit-elle. Des murs sont tombés. » Maria de Verviers explique qu’une dame dans sa rue est décédée. « C’était la première personne qui m’a souhaité la bienvenue quand je suis arrivée, trois semaines avant les inondations. »

Paul, médecin dans la région gantoise estime que « c’est dans les moments difficiles que l’on reconnaît ses vrais amis » Il remercie les sinistrés pour l’exemple, le courage et la force dont ils ont fait preuve. Et de lui avoir donné le droit d’aller les aider. Pour Maribelle, « ce qui nous a sauvés, c’est cette solidarité venue de Belgique, de Flandre, de France, de l’étranger, comme une vague qui nous inondait de ce dont nous avions besoin. » Stella qui a perdu son papa dans les inondations remercie Caroline Lamarche et David Van Reybrouck pour leur avoir donné cette voix. « Nous avons besoin d’être écoutés. »

Dans un silence enveloppant, le public quitte la salle, ému, ébranlé par cet hommage tout en solidarité et bienveillance.