Les rois des Belges, le plat pays et ses sept rois

Les rois des Belges
Scénario : Arnaud De La Croix et Jean-Philippe Thivet
Dessin : Vincent Cifuentes
Éditeur : Le Lombard
Date de parution : 5 septembre 2025
Genre : Histoire, Biographie

« L’histoire est écrite par les vainqueurs ». L’adage, souvent répété depuis la Seconde Guerre mondiale, conserve une part de vérité avant qu’un patient travail d’historien n’en nuance les contours. Et l’histoire de la Belgique n’échappe pas à cette règle. Mieux encore, elle en incarne la quintessence : sa genèse fut façonnée par les puissances européennes du XIXème siècle, celles-là mêmes qui, en redessinant la carte du continent, donnèrent naissance à un état tampon. Ces puissances lui choisirent également un roi, Léopold de Saxe-Cobourg-Saalfeld, ancien pressenti au trône de Grèce et ex-futur prince-consort de Grande-Bretagne. C’est à lui qu’incomba la tâche de régner sur ce jeune pays et, surtout, de lui inventer une Histoire.

C’est précisément cette Histoire que retracent Arnaud De La Croix et Jean-Philippe Thivet dans Les rois des Belges, parue le mois dernier aux éditions Le Lombard. En choisissant de raconter la Belgique à travers le prisme de sa dynastie, les auteurs rappellent combien la monarchie, aujourd’hui perçue comme une institution symbolique, a profondément modelé le destin du « plat pays ». Chaque souverain, à sa manière, a contribué à l’édification d’une identité nationale – toujours en quête d’unité soit dit en passant. Mais le propos, s’il demeure respectueux de la fonction royale, n’a rien d’hagiographique : nul mythe, nulle complaisance, encore moins d’effort pour masquer les zones d’ombre du pouvoir.

Ainsi, les auteurs n’éludent ni les violences de la colonisation du Congo, ni les compromissions diplomatiques de certains monarques avec des régimes autoritaires. Ce regard lucide, voire implacable, confère à l’ouvrage une distance critique et une objectivité dans le traitement de l’histoire nationale.

Sur le plan narratif, la construction du récit s’avère plus discutable. Accompagnés du dessinateur Vincent Cifuentes, De La Croix et Thivet adoptent une structure chronologique, divisant l’album selon les règnes et les grandes étapes de la construction belge. De la perception populaire des souverains aux événements marquants de leurs règnes, le découpage demeure clair mais parfois trop succinct. Certains épisodes paraissent survolés, à l’instar du règne d’Albert Ier, dont la mort tragique et le mythe du « Roi-Soldat » éclipsent presque entièrement ses volontés réformatrices dans les domaines scolaire et social.

Malgré ces réserves, Les rois des Belges se lit avec plaisir et pédagogie. Les auteurs enrichissent leur propos de courtes fiches thématiques consacrées aux monuments emblématiques du royaume, offrant ainsi une respiration bienvenue entre les chapitres et une approche didactique du sujet.

Côté graphisme, Vincent Cifuentes, que l’on avait découvert dans La Seconde Guerre mondiale en BD, déploie ici un trait plus classique, moins influencé par le style comics de ses précédents travaux. S’il excelle dans la représentation des figures historiques, son dessin souffre néanmoins d’une certaine rigidité. Chaque case s’apparente davantage à une vignette figée, presque photographique, qu’à une séquence narrative fluide. Ce parti pris éloigne l’album de la bande dessinée de fiction pour le rapprocher du document illustré.

En résumé, Les rois des Belges constitue une œuvre accessible et intelligible, qui offre une « joyeuse entrée » dans l’histoire de la dynastie noir-jaune-rouge. On regrettera simplement que l’ambition d’exhaustivité soit bridée par le format : sans doute une série en plusieurs tomes aurait-elle permis d’explorer plus en profondeur les zones d’ombre et de lumière de cette monarchie singulière.