Les Moomins sur la Riviera de Xavier Picard

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Les Moomins sur la Riviera

de Xavier Picard

Animation

Sorti le 25 mars 2015

Dans la vallée des Moomins habite la famille Moomin qui vit des jours heureux. Un jour, non loin de chez eux, ils découvrent un bateau pirate échoué en mer. Ce début d’aventure leur donne envie de voyager et de rejoindre la station balnéaire de la Riviera, sous la demande de Snorkmaiden, l’amie du fils Moomin. Une fois arrivés là-bas, c’est la découverte d’un nouveau monde : glamour, strass, luxe, richesse, excentricité. Bien que cette vie luxueuse plaît à certains, tous ne sont pas du même avis. La famille Moomin parviendra-t-elle à rester unie ?

Les Moomins sur la Riviera reprend dans les grandes lignes le comic strip du même nom créée par la finlandaise Tove Jansson, tout en rajoutant des personnages rencontrés dans d’autres histoires afin d’étoffer le récit initial. Vous vous demandez certainement qui sont ces Moomins, car s’ils sont célèbres en Finlande (ils ont même un parc d’attraction Moomin), ou encore au Japon, les Moomins restent méconnus en Belgique. Pour le réalisateur Xavier Picard, un Moomin n’est pas vraiment un troll comme il a souvent été défini, et ce n’est surtout pas un hippopotame. Par contre, pour reprendre ces propos, “Un Moomin, c’est un personnage excentrique et indépendant qui vit au jour le jour”.

Mais comment ce projet de long métrage est arrivé dans les mains d’un réalisateur français ? Le Suricate Magazine a eu l’occasion de rencontrer Xavier Picard qui nous a raconté la genèse de ce projet d’envergure.

Nous sommes dans les années 90. Picard se trouve au Japon parce qu’il travaille dans l’animation en partenariat avec des sociétés japonaises. Il visite des magasins, se balade dans les rues, puis rentre dans une librairie. Là, il découvre un livre dont le graphisme l’interpelle, même s’il ne comprend rien parce que c’est écrit en japonais. Entre ces mains, il tient un livre des Moomins écrit et dessiné par Tove Jansson. Plus tard, il découvre les comic strips. C’est le coup de foudre. Il aimerait faire quelque chose de cette œuvre qui le fascine, mais une amie productrice finlandaise, Hanna Hemilä lui assure que les droits sont gelés. Puis il y a cinq ans, Xavier Picard reçoit un appel de son amie lui annonçant que les droits sont levés, et lui propose de travailler ensemble.

Bien sûr, ce n’est pas si simple. Les Moomins, depuis sa création dans les années 1940 à aujourd’hui, est devenu une marque importante. Une société gère cette marque et vend des licences pour les produits dérivés avec près de 400 licenciés dans le monde. C’est un véritable business et la vente des droits du film est aussi une négociation commerciale. Beaucoup de gros studios américains et japonais sont intéressés et veulent faire les Moomins à leur sauce. Mais Sophia Jansson, la gardienne du temple Moomin ne lâcherait pas ce bébé hérité de sa tante pour une histoire de marketing. Et cela, Xavier Picard l’a bien compris, ainsi que l’importance de l’aspect artistique. Après six mois de boulot, il réalise un film de deux minutes, qu’il lui présente. Le verdict tombe enfin, Sophia Jansson accepte de lui céder les droits.

Voilà un beau défi dans lequel s’embarque Xavier Picard, que de reprendre l’œuvre de Tove Jansson en s’assurant de respecter une certaine authenticité tout en parlant à un public plus large que les Finlandais. Il épluche près de 800 comic strips des Moomins, pour finalement tomber sur Les Moomins sur la Riviera qu’il décidera d’adapter en long métrage. Xavier Picard mentionne : “C’est l’œuvre de Tove Jansson que j’ai traduite en images animées. Et c’est une œuvre magnifique qui mérite d’être connue et d’être traduite sans trahison”. En effet, le travail a été fait avec le plus grand professionnalisme. L’animation est d’une belle qualité et faite de manière traditionnelle, feuille par feuille ce qui représente 3 mètres cubes de papiers, soit près d’1 millions et demi de dessins ! De même, l’univers colorimétrique est travaillé avec attention. Comme le souligne Picard : “On est parti sur quelque chose de totalement surréaliste où on a voulu exprimer ce que ressent le personnage dans la scène. Dans la vallée des Moomins c’est très serein, on a des couleurs très pâles, douces et feutrées, qui expriment un sentiment de paix et de calme. Quand on est à la Riviera, ils sont tellement heureux dans leurs cœurs que tout est jaune et or !”

Un humour enfantin et espiègle traverse Les Moomins sur la Riviera qui vient sceller l’amitié des enfants avec les Moomins, et rend ces personnages indubitablement attachant, avec une étoile pour Mama Moomin dont la créativité et son talent d’artiste jardinière sont sans pareils. Bien que le film semble très clairement destiné à un public jeune, les plus grands ne sont pas en reste pour autant, et prendront un certain plaisir à accompagner leurs bambins à la séance.

Malgré tout, que penser de certains stéréotypes qui caractérisent nos amis Moomins ? Nous retrouvons une maman qui aime le jardinage, cuisiner, et nettoyer, comme Snorkmaiden qui aime éplucher les magazines people et est vite jalouse lorsqu’une autre fille apparait devant son prétendant. Picard répond franchement : ”C’est totalement assumé. Il y a effectivement quelques stéréotypes, mais on les découvre au-delà de cela. La maman est tout de même excentrique, mais c’est une femme incroyable. Alors évidement elle porte un tablier, mais c’est le design qui veut ça et je n’avais pas le droit d’y toucher. Alors tout de suite ça fait la ménagère avec le tablier alors qu’elle a un côté marrante où elle va laver ses tapis dans la mer. C’est un jeu pour elle et pas une corvée. Puis, Snorkmaiden a un côté nunuche qui tombe dans le paraître, la mode et le luxe, mais ça reste une chouette fille. On peut dépasser les premiers stéréotypes”.

Si l’histoire est porteuse par la vitalité et l’affectivité qu’amènent ses personnages, le film souhaite rappeler le précepte moominien à savoir “vivons en paix, rêvons et cultivons notre jardin”. Quoique d’une manière assez étrange, car le pari de Xavier Picard est de sortir les Moomins de leur environnement pour les voir en action à la Riviera, milieu à l’antithèse de leurs habitudes. Picard explique cela par le fait qu’un milieu différent permet à des personnages de se révéler et de montrer leur vraie nature : “Cela nous a permis de faire quelque chose de très intéressant sur les personnages plutôt que de les voir uniquement dans la vallée des Moomins, où il faut être initié pour comprendre leurs codes et leur mode de vie”.

Pari certainement gagné, car l’imaginaire des enfants comme des plus grands est titillé. Lors de la projection du film au festival Anima en février dernier, le réalisateur est venu rencontrer son public. Plusieurs enfants sont venus lui demander toutes sortes de questions telles que “Est-ce qu’ils voyageront encore ?”, “et Papa Moomin, est-ce qu’il invente toutes ces histoires ?”.

Ce qui est certain, c’est que l’existence de ce long métrage, actuellement vendu dans 45 pays, permettra aux Moomins d’étendre davantage leur popularité et de les faire connaitre hors des frontières finlandaises ou japonaises. Par ailleurs, saviez-vous qu’au Japon il existe des cafés Moomins ?

A propos Aurore Wouters 15 Articles
Journaliste du Suricate Magazine

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