« Les choses humaines », est-ce que le Goncourt des lycéens 2019 en vaut la peine ? Oui !

Titre : Les choses humaines
Autrice : Karine Tuil
Editions : Folio
Date de parution : 7 janvier 2021
Genre : Roman

Dans son dernier roman paru maintenant en poche, Karine Tuil nous dépeint la famille Farel, ou plutôt l’empire Farel : Jean le père, un journaliste politique volage et adulé ; Claire la mère, une féministe et essayiste très convoitée sur les plateaux, de 27 ans la cadette de son époux et Alexandre, le fils prometteur de 21 ans qui voit se profiler un avenir professionnel outre-Atlantique sans nuage. Cette famille évolue selon son pédigrée entre dîners mondains, séduction, connaissances haut placées, écoles prestigieuses, Légion d’honneur et même participation à Fort Boyard (quel veinard ce Jean!). Bref, la vie normale pour qui joue dans cette cour. Un acte va pourtant ébranler au plus haut point cette famille de pouvoir : une plainte pour viol.

L’action du roman se situant à l’époque de l’affaire Weinstein et de l’émergence du #MeToo, c’est un véritable coup de poing, un pavé dans la mare qui va éclabousser chaque membre de la famille et les plonger dans un engrenage judiciaire sur lequel ils n’ont pour une fois aucune prise.

Pas forcément sympathique du fait de son statut de privilégié au sein de la planète bling-bling mais aussi de ses comportements auto-centrés, le clan Farel nous est dévoilé au fil du roman et l’on découvre des personnages qui, sous leurs airs compétitifs et irréprochables, ne parviennent plus à dissimuler leurs faiblesses. Faiblesses qui, cependant, les humanisent. Et c’est là tout le talent de l’autrice qui nous déstabilise sans cesse en ciselant minutieusement le vécu et la personnalité de chacun. On change de camp régulièrement et notre empathie de lecteur nous pousse à réfléchir de façon la plus équitable possible tel un jury lors d’un procès.

Ce roman met en avant des notions de poids comme le consentement, la présomption d’innocence, la relation à l’image et aux réseaux sociaux mais aussi le pouvoir que ce soit dans la sphère professionnelle, sexuelle ou familiale. En somme, un véritable roman de notre époque qui s’est légitimement retrouvé parmi les romans en lice pour le Goncourt des lycéens en 2019.

Petit point amusant pour nous, lecteurs belges, de comparer le star-system du paysage audiovisuel français, bien décrit jusqu’au bout de ses tentacules impitoyables, au monde journalistique de notre plat pays qui semble, à priori, bien plus bonhomme et humain.

Vous l’aurez compris, le bien nommé Les choses humaines, est un roman que l’on conseille aussi bien aux parents qu’à leurs ados. Quant à Karine Tuil, chapeau pour être parvenue à concocter un cocktail savamment dosé d’addiction et de réflexion.