Titre : Le prolongement
Auteur.ice.s : Gwendal Le Bec
Edition: Casterman
Date de parution : 09 avril 2025
Genre du livre : Roman graphique
Harry Potter a la pierre philosophale. Cindy Crawford, le botox. Et Gwendal Le Bec, le prolongement. C’est le rêve de tout être humain de trouver l’impossible formule pour arrêter le flétrissement des corps. La promesse d’une peau sans rides et sans aspérités. Aussi lisse que celle d’un nouveau-né qui n’aurait pas encore été émoussé par la vie. Le prolongement, c’est la technologie 2.0 qui rend cette quête de jouvence possible.
Mais pour en bénéficier, rien n’est moins simple. Il faut se procurer une machine, l’éterniseur, dont l’entretien semble aussi régulier que celui d’une chaudière. Il faut aligner les billets pour pouvoir s’offrir des cures dans des centres où sont récoltées les données biométriques et où le dispositif du prolongement est renforcé pour être efficace. Concrètement, concernant l’éterniseur, il ne s’agit que d’une sorte de bain solaire rempli d’eau dans lequel baignent les corps qui veulent rajeunir. Mais pour qu’elle porte ses fruits (et bien mûrs de préférence), il faut accompagner la pratique d’autres rituels beaucoup plus douloureux. Des épines sur la peau et des insertions anales. Il faut souffrir pour être belle. Et il faut être aussi régulier qu’un métronome pour rester jeune.
Pour ne pas faire ses 80 ans, Gloria est, donc, prête à respecter ces contraintes d’ascète. Elle ne jure, du reste, que par cette évolution de la médecine. Elle va même jusqu’à en faire profiter sa petite fille. Il n’est jamais trop tôt pour commencer. Mais Camille, son mari, voit d’un mauvais œil ce pied-de-nez fait au temps. Sa jeunesse, il l’a vécue. Et il porte fièrement les stigmates de sa vie. Mais grâce à la compagnie de Myriam et à sa consommation quotidienne d’émission télévisée iranienne, Camille parvient à supporter l’écart qui le sépare de plus en plus de sa femme rajeunie. Pendant qu’elle multiplie les séjours wellness, il accueille la vieillesse tranquillement sur son canapé.
Alors que Le prolongement s’ouvre sur un anniversaire, le trait rapide et sa mise en couleur liquide rend l’introduction partiellement abstraite. On a du mal à rentrer dans cette dystopie à peine futuriste que le dessin rend parfois inintelligible. À cela s’ajoute qu’il faut comprendre que la dame qui crève les cases n’est autre que la femme du vieux. Mais passé le choc initial, on se laisse prendre au jeu. On se laisse emporter par ces personnages au caractère affirmé, par les peurs de Gloria qui, pour ne pas vieillir, s’endette, et par le regard doux que Gwendal Le Bec porte à la fois sur le vieillissement mais aussi sur le couple.